Krassimir Terziev, artiste employant les nouveaux médias dans sa pratique,
est un des membres fondateurs de InterSpace, le premier centre en nouveaux
médias à Sofia en Bulgarie. Il était de passage à Montréal en tant
qu'artiste invité à l'exposition Hold your Breath. Ce projet d'échange entre
artistes canadiens et bulgares était organisé par Galina Lardeva,
conservatrice du Centre d'art contemporain de Plovdiv et BLUNT, un collectif
de jeunes artistes et commissaires canadiens dont l'activité principale est
l'échange culturel dans le domaine de l'art contemporain, entre le Canada
et l'Europe centrale et orientale.
Rossitza Daskalova : Vous êtes un des membres fondateurs de l'organisme
InterSpace, le premier centre artistique en nouveaux médias situé à Sofia en
Bulgarie. Comment tout ceci a commencé?
Krassimir Terziev : Au tout début, nous n'étions que trois artistes des
nouveaux médias, Petko Dourmana, moi-même et Ventzi Zarkov, ce dernier ne
faisant plus partie d'InterSpace et ayant mis sur pied le webzine Zet. Il
n'existe pas de structure en Bulgarie pouvant soutenir le type de travail
que nous faisons, alors nous avons dû créer notre propre structure. Nous
étions indépendants et n'avions aucun financement. La Bulgarian Photographic Association nous a fourni un espace de travail dans leur Photolab
situé à l'Académie du Théâtre et du Film à Sofia. Le seul équipement dont
nous disposions était un PC avec lequel nous pouvions faire du montage vidéo
et des projets multimédias. Nous travaillions sur des projets commerciaux
afin de trouver du financement, comme des sites Web et d'autres produits
corporatifs. Notre objectif était de mettre sur pied une plateforme ouverte
pour réaliser des projets d'art contemporain intégrant les nouvelles
technologies, tels que des installations dans l'espace physique, des
interventions dans des lieux publics, des expositions en vidéo et en
nouveaux médias, et des projets de net.art et de création sonore
électronique.
R.D. : Quelle est l'ampleur des activités à InterSpace à l'heure actuelle?
K.T. : Nous produisons et présentons des projets artistiques impliquant les
nouveaux médias. Récemment, nous avons commencé à bâtir une base de données
documentaire sur l'art contemporain intégrant les nouvelles technologies.
Nos projets présents incluent l'organisation de forums, d'expositions, de
conférences, de séminaires, d'ateliers et de spectacles multimédias.
InterSpace s'est aussi impliqué dans des activités à vocation éducative, la
formation et la mise sur pied d'une publication électronoique sur les arts
contemporains bulgares.
R.D. : Cela démontre que vous avez atteint vos buts ces deux dernières
années. Quelle était votre stratégie de départ et comment vous a-t-elle
conduit à accomplir tout ce que vous faites actuellement?
K.T.: Je dirais que nous sommes en train d'atteindre nos objectifs. Le
concept ouvert d'InterSpace nous a permis d'augmenter le nombre de nos
membres. Notre équipe compte treize membres en ce moment. Un des motifs
principaux à la base de la mise sur pied du centre en nouveaux médias
InterSpace est de créer un forum pour la communauté des artistes en nouveaux
médias en Bulgarie et leur fournir un contexte international en vue de
collaborations actives. Pour cette raison, nous avons mis beaucoup
d'importance sur le réseautage et avons développé des partenariats
internationaux pour des projets spécifiques. C'est ainsi que nous avons
commencé à recevoir des fonds supplémentaires du Centre Soros pour les arts,
du Goethe Institut et du British Council, de même que de commanditaires
privés. Les partenaires d'InterSpace comprennent Montevideo/TBA, l'Institut
néerlandais en arts médiatiques, P.A.R.K.dtv et De Balie à Amsterdam, The
Kitchen, le centre en nouveaux médias Thundergulch et LMCC à New York, Van
Gogh TV (situé sur le territoire de l'ex-Allemagne de l'Est), ETOY,
Ubermorgen et IDEA.
R.D. : Quels sont les projets spécifiques que vous avez réalisés avec ces
partenaires?
K.T. : En mai 1999, l'année durant laquelle le programme des nouveaux médias
faisait partie du Festival des films internationaux de jeunes cinéastes au
Cinéma Palace à Sofia, InterSpace a organisé des projections de vidéos
faisant partie des collections de Montevideo (Pays-Bas) et de The Kitchen
(États-Unis), de même qu'une sélection de vidéos bulgares effectuée par
InterSpace. En novembre 1999, nous avons fait la présentation en ligne, avec
l'artiste Keez Duives du projet Ten Years After the Wall, qui se tenait au
Centre De Balie pour la culture et la politique à Amsterdam.
R.D. : Vous avez mentionné être impliqué dans des activités éducatives. Quels
sont les étapes franchies dans cette direction?
K.T. : À l'automne 1999, nous avons produit le Festival en nouveaux médias,
project END à Sofia, financé par PHARE, le Fonds pour le développements des
arts du programme européen et l'Ambassade royale des Pays-Bas à Sofia. À
cette occasion, END était présenté au même moment qu'un cours de formation
pilote sur la publication électronique, des installations multimédias
Real/Virtual, et un spectacle VJ/DJ et la conférence Art, Technology,
Society 1999. Un deuxième cours sur la publication électronique, la
production vidéo et audio multimedia et l'Internet, a eu lieu en décembre
1999 en collaboration avec le Club Internet MODUS et la Chambre de Commerce
Bulgare. Récemment, étant donné le contexte émergent des nouveaux médias et
du monde technologique en Bulgarie, nous avons avancé l'idée d'une
concentration de différents aspects impliqués dans l'acquisition de
compétences dans l'usage des nouveaux médias: l'art, le design et la
science. Nous avons mis sur pied les Designers Network Labs pour 2001-2002,
un projet de formation collaboratif financé par le programme EU Leonardo et
dirigé par le centre en nouveaux médias InterSpace à Sofia et AMX à Londres,
Royaume-Uni. Les participants seront sélectionnés à la suite d'un concours
organisé par InterSpace. Ils pourront acquérir des compétences et de
l'expérience dans des studios en nouveaux médias au Royaume-Uni, étudier la
conception graphique, l'animation et la programmation impliquant les
technologies Director, Flash, ASP, Java, de même que d'autres outils
esssentiels dans le domaine de la conception des nouveaux médias.
R.D. : Parlez-nous de vos projets les plus récents et stimulants?
K.T.: Notre intérêt principal est de travailler en collaboration au sein
d'équipes utilisant les nouvelles technologies et d'explorer divers concepts
d'espace, de trouver des manières créatives de les interpréter dans une
oeuvre d'art spécifique. Le plus récent projet dans le cyberespace a été
présenté lors de l'événement Medi@terra à Athènes. C'était un projet Web
ouvert, intitulé Schizoid Architecture impliquant neuf artistes provenant
d'InterSpace, de Manchester et de Finlande. Le schéma est simple: chaque
participant crée un environnement de 360 degrés à partir de son espace
familier montrant ses symboles personnels, ses fétiches et ses objets,
isolant ainsi et projetant l'individu à partir du monde extérieur. Ces
environnements, visionnés au sein d'une perspective panoramique, incluent
des objets interactifs. Puis, ils sont reliés grâce à un générateur
aléatoire de liens, de telle sorte qu'un espace architecturale liquide
complexe en résulte, à partir duquel les notions de voisinage, de relation,
de direction deviennent interchangeables et dynamiques. En février 2000,
nous avons réalisé un spectacle multimedia intitulé Technopoliten à la
station de métro Opalchenska. Puis, en septembre 2000, un de nos plus
excitants projets collaboratifs, appelé Urban Cycles, a pris place dans une
zone d'art public, le Palais de la Culture, un exemple classique de
l'architecture totalitaire. Après la chute du gouvernement communiste, le
gouvernement l'a transformé en une sorte d'allée au sein de laquelle
prenaient place des activités culturelles - concerts, expositions, etc -
dans de grandes salles. Il s'agissait d'un projet d'installation vidéo
interactive né d'une collaboration entre InterSpace et IDEA, Manchester,
Royaume-Uni. Conçu par Galina Dimitrova, Urban Cycles incluait les artistes
Jen Southern, Nyykolay Chakarov, Ant Colony, Anneke Pettican, Look East,
Look West, Maria Berova, Clean Up, Jenna Collins, Home, Steve Symons, Urban
Genome Project, Gary Peploe HOLD/NUDGE, Petko Dourmana, Turning on My Tomb
is a Cool Oasis on the City's Heat and Angele Myers, ESC to a City. J'ai
aimé cette exposition parce qu'elle a vraiment pris la forme d'un
laboratoire, un projet expérimental dans lequel la création a été approchée
comme un processus.
R.D.: Et quels sont vos plans pour le futur?
K.T.:Notre prochain projet à long terme important a plutôt une portée
sociale. En Bulgarie, il y a encore beaucoup d'écarts à combler, et beaucoup
de travail à faire dans le champ de l'art contemporain. Nous négocions
actuellement avec la fondation Soros à Sofia pour mettre sur pied un serveur
pour l'art et la culture en Bulgarie, un site qui serait un portail
culturel.
R.D.:Pour terminer, j'aimerais vous demander de définir la situation du
net.art en Bulgarie?
K.T.:Il est intéressant de savoir que le centre InterSpace a commencé avec
un projet de net.art, Metabolizerde Petko Dourmana. Par contre, je ne peux
pas dire que le net.art en soi existe en Bulgarie. Des artistes créent des
oeuvres de net.art, parmi d'autres projets. À InterSpace, Petko Dourmana est
celui qui est le plus impliqué dans le net.art. avec les oeuvres Faceloading
et Metabolizer (voir oeuvres électroniques). Le net.art émerge à peine en Bulgarie. La communauté
artistique est encore divisée entre l'art contemporain et l'art
traditionnel. Je pense que l'idée d'une scène artistique pluraliste est en
train de se former peu à peu. En ce qui concerne le net.art, je pense qu'il
n'y a pas de mouvement spécifique de cyberculture en Bulgarie jusqu'à
maintenant, pas de forum consolidé à l'intérieur duquel un milieu de net.art
pourrait se définir avec vitalité. Par ailleurs, certains artistes, sans
s'être déclaré net.artistes, se dirigent dans cette direction en se
concentrant de plus en plus sur le net.art et la cyberculture.
R.D.:Merci beaucoup et j'espère vous rencontrer bientôt dans un de ces
"Inter-Espaces".
K.T.: Oui, en effet. Merci.