OEUVRES ÉLECTRONIQUES no.13


Steve Cannon
Text.ure
1999
Avec text.ure, Steve Cannon (auteur du texte et programmeur), assisté du producteur Nam Szeto et du concepteur graphique Jeffrey Piazza, propose une oeuvre complexe qui redéfinit l'activité de lecture en la démultipliant.

Le lecteur est ici invité à "transcender", c'est-à-dire à dépasser la vision traditionnelle du texte comme unitaire et continu, tant du point de vue spatial, sur la page ou sur l'écran, mis à plat, noir sur blanc, que temporel, déroulant son sens - unique - au fil de la lecture du livre ou de la descente du curseur. Ce dépassement s'effectuera en engageant le lecteur à entreprendre une "exploration de navigation non-linéaire" (Steve Cannon, "About the Work") - c'est-à-dire, par-delà l'horizontalité du texte, une plongée à la verticale pour y trouver d'autres mondes. Le lecteur sera appelé à se servir pour ce faire des outils mis à sa disposition et dont il devra apprendre le maniement et la fonction - à la fois en en lisant la description et le mode d'emploi, en examinant les diagrammes proposés comme illustrations, et aussi, beaucoup, en s'exerçant.

"text.ure fonctionne comme une série de panneaux qui s'informent les uns les autres des actions de l'usager" (Steve Cannon,"Diagram 01: structure"): ces panneaux sont respectivement identifiés comme ceux du "terrain", de l'"altitude", de l'histoire ("history"), celui où le texte se déploie ("text display") et où un cadre superposé joue le rôle d'un verre grossissant au passage différents morceaux du texte. Le lecteur devra s'attacher à re-structurer le "texte-source" donné comme matériau de base en se frayant un chemin ("path") à travers le "terrain" avec sa souris; ce terrain n'a pas la platitude d'une page, il est au contraire fort accidenté, avec des "pics" et des "vallées" de différentes altitudes; la valeur de ces dernières est donnée à mesure dans le panneau du même nom en même temps que "mappée", à la suite du passage du lecteur/explorateur dans le texte; l'"histoire" enregistrera ces différentes données afin de fournir au lecteur une image de la ligne sinueuse de son cheminement; de même, les passages du texte qu'il a traversé seront au fur et à mesure accolés et étagés comme autant de niveaux ("level"), de couches de lecture - un même passage pouvant être ainsi "parcouru" de multiples manières - pour lui présenter, au bout du compte, "son" texte, dont il aura pu suivre, tout au long, la production.

Pour la réalisation de cette nouvelle expérience de lecture, text.ure puise, de l'aveu de son auteur, à deux sources, l'art et la science. L'art, d'abord, les peintres majeurs de l'art abstrait que sont Kazimir Malevich et Piet Mondrian ayant inspiré l'aspect visuel de l'oeuvre: le premier pour la texture, avec entre autres son "carré blanc sur fond blanc", où l'abandon de toute illusion de représentation révèle la peinture comme pure "texture", justement, mise en forme de coups de pinceau; le second pour la structure, avec ses agencements purement géométriques de panneaux carrés ou rectangulaires délimités par des lignes horizontales ou verticales où seules les couleurs primaires (jaune, bleu, rouge) se répondent. Les oeuvres de S.W. Hayter, encore, pour leur dynamisme où les lignes filent et s'entrecroisent.

La science, enfin, qui a bien sûr donné l'exemple de ses instruments de mesure pour la création des outils offerts au lecteur pour se naviguer sur le "terrain" et y délinéer son propre texte. Mais en plus, on se rappellera encore que Steve Cannon a d'abord une formation scientifique, en physique. Et on ne pourra que remarquer que text.ure propose pour la lecture un appareil de réinterprétation et de démultiplication réminescent des nouvelles conceptions du monde en physique qui ont fait de l'univers un "multivers", où sont sensés co-exister de manière parallèle et avec leur propre espace/temps de multiples mondes possibles comme autant de différentes versions d'un même monde soumis à un autre enchaînement de causes et d'effets. Ainsi, au-delà des deux dimensions de la page ou de l'écran tout comme au-delà des trois dimensions en physique classique, nous pouvons désormais voir, après l'adjonction de la quatrième, celle du temps, se démultiplier les dimensions, et leurs niveaux continuant à s'accoler et s'étager, voir s'ouvrir vertigineusement, à la verticale, le texte comme le monde. "D'une certaine manière, j'essaie d'aller même au-delà de 4 dimensions avec cette oeuvre (les théories nouvelles suggèrent 27 dimensions comme possibles) pour créer des structures hautement interreliées. Je pense que c'est un but artistique qui requiert l'exposition du fonctionnement interne de l'oeuvre. La véritable oeuvre d'art a lieu au niveau des données." (cf. l'entrevue avec Steve Cannon dans ce magazine)
A.-M.B.

 

Arcangel Constantini
123456789px
1999
Dans le monde pixellisé du projet 123456px de l'artiste/filou Arcangel Constantini, l'environnement numérique paradoxal est révélé dans ce qu'il a de contrôlé et d'incontrôlé tout à la fois. Il s'avère moins transparent, ouvert et infini qu'il n'y paraît à première vue. Des fenêtres distinctes pour chaque nombre de 1 à 9 émergent et s'accumulent sur l'écran une après l'autre. L'artiste magnéfie ce qui se trouve derrière l'interface, ce qui était caché remonte à la surface. Chaque nombre est agrandi et doté d'un fond différent, d'un son et d'une couleur propre suggérant ainsi qu'il se comporte comme un personnage. Les nombres se projettent eux-mêmes dans de cyber-paysages. Ils sont considérés comme des agents autonomes influençant et modelant le cyberespace.

L'imagerie employée imite des grilles de pixels auxquelles sont ajoutés des effets sonores discordants et répétitifs formant un bruit et une suface opaque à travers laquelle les voix prononcent les nombres. Le rideau de bruit distorsionne les mots. Les voix sont altérées, tandis qu'elles paraissent se débattre pour percer au travers la grille et atteindre le visiteur. Elles peuvent être identifiées comme étant les voix des nombres eux-mêmes, parlant au sujet d'eux-mêmes. Tandis qu'elle émettent des mots auto-référentiels - un, deux, trois... - les sons inarticulés suggèrent qu'il y a bien plus derrière ces nombres et leur langage qu'il nous est permis de connaître. Ils sont au stade de devenir, d'être découverts, décodés et engagés dans la communication.

L'univers de 123456789px paraît fermé et déshumanisé. En effet, l'oeuvre ne permet guère d'interactivité. L'impression de claustrophobie se heurte à la répétition entraînant un mode méditatif à saveur techno, se rapprochant de l'état psychédélique, ou celui de transe ou quelque autre état hypnotique exalté. Paradoxalement, cette atmosphère numérique, dont Constantini réalise le portrait, peut être étouffant ou au contraire libérateur. Un chiffre n'est pas simplement un nombre. Il n'est plus abstrait dans l'environnement numérique, il détient un rôle véritable. Bien que le nombre s'impose sur la page d'une manière très brusque, directe et dominante, digne maître du cyberespace, les aspects les plus marquants de ce projet sont révélés parce que l'artiste met de l'avant le rôle de divers éléments du médium qu'est le Web. L'ouverture de 123456789px réside dans la médiation elle-même qui réflète les effets des qualités inhérentes du médium qui défie l'"encadrement" et les cogitations.

Nous assistons à la vision qu'a l'artiste de cette armature de la page ou de la fenêtre. En ce sens, 123456789px est une mise à nu de l'environnement numérique et en tant que tel, représente un modèle irrationnel ou plutôt illogique de le "déchiffrer". La force du mot affronte celle du nombre, un conflit fondamental au sein du paradigme de la communication dans le monde numérique. Le langage du pixel se fond à celui du mot parlé et pourtant, tous les deux montrent une résistance et tentent de s'imposer à l'autre.
R.D.

 

Lisa Hutton
Victorian.NET
1997
Navigant en cercle à l'intérieur des entrailles obscures des désirs étouffés, cherchant à percer le voile occulte des codes et "commandes", Victorian.NET plonge dans l'univers de la communication sur l"Internet. Dès la première rencontre avec l'oeuvre, le visiteur affronte inévitablement le mur "physique" de ce monde fermé fait de messages éparpillés et incomplets. Par ailleurs, c'est précisément la révélation de son hermétisme qui crée l'ouverture de cette oeuvre.

La métaphore d'une recherche aveugle pour l'intimité, d'un côté, et du texte aveugle "écrit à la main", de l'autre, noit la page blanche dans le vide. Est-il possible que s'agite quelque chose tout au fond qui est sur le point de voir la lumière du jour? En fait, la page blanche est destinée au néant. Elle semble avoir disparue avec le premier toucher de l'acte de création. L'image révélée aux yeux du visiteurs peut être comparée au négatif du film. Il s'agit d'une manière de conceptualiser le Web comme médium dans sa matière brute.

Lisa Hutton construit le projet avec l'aide du Javascript en faisant intervenir des textes et messages provenant du courrier électronique et les fait surgir sur l'écran par intervalles. Attendant que la page change, entre deux textes, le visiteur tombe dans des espaces vides. Les messages sont composés de plis et de fictions de moments rattrapés, de soupirs, de lettres d'amour remises dans l'obscurité. Dans le secret de l'échange de messages, le flot est rompu par des interruptions au sein desquelles le silence conquiert le bruit.

Le monde souterrain des codes est mis en parallèle avec les mondes souterrains de l'être. L'impénétrable, l'inaccessible et l'incontrôlé se mêlent dans le vide: un lieu d'ouverture totale. La matière modelée dans l'oeuvre la rend très tangible. L'idée de création à partir du vide est mis de l'avant dans l'oeuvre par les doigts qui émergent au milieu de l'écran, touchant la noirceur, une référence évidente à l'étymologie du mot "digital", qui réfère aux doigts, en latin. Ce geste emblématique a aussi comme effet de relier l'art web avec l'histoire de l'art (de Lascaux à la Chappelle Sixtine) et aux pratiques rituelles.

Une autre référence au passé est celle qu'utilise l'interface de Victorian.NET (les caractères verts sur un fond noir) reliant le projet à l'histoire de l'informatique. Avec ce projet, l'artiste fouille dans la tradition d'un genre épistolaire et associe le langage codé de l'ordinateur et de l'internet aux codes et conventions de l'âge victorien. C'est bien là que l'analogie du négatif/positif de la photographie devient l'indice du mystère. Tandis qu'à l'époque victorienne le message réel se situe derrière les mots de la page, dans la communication par courriel, le message réel essaie de s'imposer au-dessus des codes qu'il superpose. Par contre, un fait demeure inchangé: pour ceux qui recherche l'authenticité du message, elle se trouve peut-être entre les mots, à l'intérieur des mots, mais toujours au-delà d'eux parce c'est là que se trouve leur essence.

La communication ouverte et l'intimité font face au contrôle et la distance. L'interférence des codes informatiques brisent le flot libre de l'interrelation sur le Web. Hutton démontre la frustration qui résulte de l'impossibilité de toucher l'autre réellement lors de la communication par courrier électronique. Simultanément, elle fait surgir une question importante: à travers l'histoire de la civilisation humaine, des codes et barrières de toutes sortes se sont imposés à l'intimité. Il est de notre rôle de comprendre les obstacles de notre temps. Par conséquent, Victorian.NET n'est pas une oeuvre nihiliste parce qu'elle affirme l'immensité de l'intimité et valorise cette recherche dans le champ de l'art. Malgré toutes ses contraintes, la communication par lnternet offre une occasion d'accroître notre capacité à atteindre l'intimité, à toucher l'autre, de même qu'à être touché par les autres. Peut-être bien que le toucher éthéré des mains de l'artiste est représenté de telle sorte qu'il mime la vie intérieure ineffable des individus...
R.D.

 

JODI
404.jodi.org
1997
Les dysfonctions de l'ordinateur constituent une idée centrale dans les projets web de JODI. Cette notion permet d'exprimer un regard humoristique, renouvelé et libérateur au sujet de la technologie informatique et l'interaction humaine avec celle-ci. Le visiteur se rend compte qu'une erreur effectuée par l'humain ou par la machine pourrait se révéler une manière de sortir du cercle vicieux de la relation maître/esclave plutôt que de mener simplement à la frustration. Dans cet ordre d'idées, 404.jodi.org fracasse l'illusion, somme toute assez sinistre, que tout peut être entièrement contrôlé. Pour un moment, le visiteur a l'impression que la machine prend le dessus et que toute action humaine disparaît. Il perd le contrôle parce que l'ordinateur semble en savoir beaucoup plus et performer mieux que lui sans qu'une intervention soit nécessaire. Cependant, une fois l'élément d'interactivité proposé, il devient clair que l'individu peut également effectuer des choix et prendre possession de ses propres actions. Par la suite, le visiteur est confronté au fait que l'ordinateur puisse prendre lui aussi des décisions. De plus, la machine connaît son origine et est en mesure de le lui rappeler...

Le texte, généré grâce à l'interaction avec le visiteur, est continuellement altéré en un long fil parce que l'épître de JODI exclut la finitude. Le contenu qui en découle suggère que le fondement de l'Internet réside dans le texte constituant le résultat d'un apport collectif au sein d'une structure créée par les artistes. La page d'erreur à l'entrée ou "File Not Found" mène à trois autres pages déclenchées lorsque le visiteur touche un des chiffres du nombre 404. L'oeuvre tend à l'anonymat comme si elle était hors de portée de la main ou la volonté humaine. L'absence de l'humain suggère que l'ordinateur agit seul, en secret. Tandis que le visiteur rédige un mot, une expression ou une phrase, l'ordinateur avale les voyelles dans une des pages accessibles par le premier 4 de l'accueil. Dans l'autre, il dévore les consonnes. 404.jodi.org illustre la capacité de la technologie informatique d'altérer le langage. En plus des mots transformés, des signes et codes étranges apparaissent sur la page. L'ordinateur parle sa propre langue et son apport excède le contenu que l'individu devant son ordinateur a bien voulu lui transmettre. Le texte résultant montre un obscurcissement du langage opéré par le traitement de l'ordinateur. JODI propose ainsi une perspective particulière au sujet de l'écriture et de la lecture sur Internet fondée sur la notion de texte comme liquide.

Le "0" conduit à une page moins chargée qui fonctionne comme un moment de vérité. Une fois que l'individu interagit en écrivant quelque chose au bas de la page, son propre lieu est révélé et il est possible de connaître les origines des vitsiteurs précédents. Ce retour à soi signale l'engagement et la responsabilité de l'utilisateur. Celui-ci est mis devant une situation d'entre deux. C'est à lui de jongler entre différentes sortes d'excès et de manque, de malentendus et d'erreurs. En rétrospective, le visiteur peut se sentir trompé ou, si on adopte une interprétation moins dramatique, il peut expérimenter un inconfort lorsqu'il se trouve au "point 0". Est-ce que cette mise en scène suggère une utilisation passive et insensée de la technologie informatique, reflétant à distance le bavardage qui tient lieu de communication, ou bien est-ce simplement que l'ordinateur ne "répond pas bien" à l'occasion? En tous les cas, JODI envoie les signaux d'alerte qui font surgir des questions. Dans une entrevue récente réalisée par Tilman Baumgaertel pour Rhizome, les artistes soulignaient: "Nous faisons des abstractions de code populaire existant, et nous habillons/désabillnons ce code à l'aide de signes graphiques qui, nous pensons, expriment mieux le code sous-jacents. Il s'agit d'une exploration formaliste de réduction, d'ouverture d'une vue sur les codes sous-jacents afin de mieux comprendre notre propre comportement d'utilisateur".
R.D.

 

Vannina Maestri
Poezie 2000
2000
L'oeuvre de Vannina Maestri pour Poezie 2000 frappe d'abord par sa pureté et sa simplicité: sur un fond noir, un poème, dont les vers au passage de la souris du lecteur s'animent et frémissent d'un lent et fluide mouvement d'aller-retour de gauche à droite et de haut en bas. Dans cette écriture mouvante et sans cesse déplacée, les signes font signe sans nécessairement faire sens: fulgurants, "ils passent sans se répondre" comme l'explique Vannina Maestri dans son texte de présentation du poème. Mais leur mouvance même et les éclats qu'ils jettent entraînent le lecteur dans un jeu de reflets où le lieu de passage des vers, qui se trouve être au départ, bien sûr, l'écran, et la page sur l'écran, apparaît métaphoriquement et tour à tour comme ciel noir, espace traversé par la lumière où les vers voyagent comme des comètes, "paysage d'eau" où les vers flottent, puis encore double miroir réfléchissant le ciel dans l'eau, et le lecteur dans le poème, la lecture dans l'écriture - toutes des surfaces où la profondeur et l'abîme sont également pressenties.

Car si le sens unique du poème fait volontairement défaut, toujours dispersé et entraîné ailleurs par l'agitation à la surface de l'oeuvre suscitée par le lecteur, et par "l'immédiateté" et "la vitesse" de l'écriture elle-même (comme Vannina Maestri la décrit dans son texte de présentation), le texte néanmoins a une structure, un ordre qui se forme et se reforme pour combattre le désordre, une orientation, une visée - et comme tel il s'ouvre à l'interprétation. C'est ainsi que le poème décrit de manière à la fois elliptique et auto-réflexive ses propres mouvements, s'illustrant, s'illuminant au feu de ses propres métaphores qui en le déroulant le font filer comme des traits de lumière reflétés et dispersés dans une eau en mouvement. Et ce faisant il met aussi en scène le traitement du texte par la machine qui le met en scène.

On peut commencer par y discerner deux parties de onze vers chacune, séparées par un vers écrit en italique ("vers l'unité de la méthode"), qui joue en quelque sorte le rôle de charnière de l'une à l'autre, et de pliure aussi, de l'une dans l'autre. Avec pour premier vers l'injonction d'"accéder librement aux richesses de demain", la première partie (avec des termes comme "lumière", "brillants", "images" ou "imagent", "fenêtre") commence en apesanteur pour alluder à la vision dans un espace "cosmique" de la course de la lumière courbée et attirée peu à peu par la présence de la matière; dans la seconde partie le ciel se réfléchit dans les "paysages d'eau" et cette réflexivité fait replonger le lecteur de la vision à l'interprétation, de la lecture à l'écriture, à la réécriture, où le désordre pourrait faire place peu à peu, sinon à l'ordre, du moins à un désir d'ordre, de recueillement, d'approfondissement (comme le suggèrent des termes comme "perspectives", "série", "renforcement de l'inertie", "grandes lignes génératives", "centre", "faire aboutir le projet", "redéfinir les rôles"). Ainsi, dans cette deuxième partie, le poème et son lecteur se voient emportés dans un mouvement centrifuge, dans une mise en abîme, sous la surface où, peut-être, (car les "si" sont multiples) il sera possible de "rinvestir des domaines perdus".

A.-M.B.

 


Mez
Datableeding Texts
2001
L'Internet, cette technologie impressionnante résultant des développements dans le secteur de l'informatique, peut paraître écrasante pour son créateur humain et même menaçante. Ses côtés inconnus et par conséquent obscurs, peuvent mener à une perception critique du médium considéré comme anémique et sans pitié, ou même démoniaque au point d'être qualifié de vampirique. En effet, la minceur et le chaos, le vide et la perte, ou l'opacité impénétrable et le contrôle total envahissent la liberté personnelle et interfèrent avec l'individualité. Ce sont toutes des caractéristiques attribuées à l'Internet qui résultent de l'oscillation entre le rejet et l'acceptation aveugle de cet outil relativement nouveau. Sans questionner ces thèmes directement par une quelconque enquête, Mez valorise toutefois l'Internet comme un des sujets les plus chauds de la société actuelle. La langue de sa "mezangelle" installe un ordre non-linéaire et imaginatif dans ce qui semble un charabia insensé de la communication par courriel.

Au début de la navigation à travers les Datableeding texts, Mez s'amuse à demander un échantillon symbolique de sang au visiteur, l'invitant à se confier à elle et à écrire le surnom qui lui était attribué à l'enfance. Le surnom du visiteur fera désormais partie des vers apparaissant dans la page suivante, et le visiteur est ainsi initié dans le processus de communication. Le récital symcopé des vers enchanteurs est écrit dans sa langue synthétique personnalisée, la "mezangelle", combinant des morceaux de cyberbavardage et d'échanges anonymes par courrier électronique.

Mez compose les textes par l'interpénétration de divers niveaux d'écriture, de codes et de signes qui sont devenus la langue vernaculaire de la communication par courriel. Le langage est attrayante et onomatopéïque. Cette actualisation de la langue rappelle les façons dont l'enfant apprend à parler, inventant des mots pour ce qu'il observe et cherchant à faire sens de l'univers ou simplement à répéter de façons particulières ce que les autres ont dit. L'artiste rompt avec les catégories stéréotypées de la communication sur l'Internet en plaçant le visiteur dans la position d'un enfant qui apprend une nouvelle langue. Un autre aspect de cette étrange et ingénieuse "mezangelle" est qu'elle nous fait penser à deux fois lorsque nous affirmons que l'anglais est la langue de l'Internet. En effet, le projet des Datableeding texts suggère que l'utilisation généralisée de l'anglais sur le Web par des individus non anglophones est en train de transformer la langue et des innovations se propagent rapidement hors du réseau.

N'obéissant plus aux règles de la grammaire, la langue linéaire perd le contrôle et éclate en mots et codes gouvernés par une nouvelle syntaxe. L'utilisation de l'Internet est une pratique qui engendre ses propres expressions idiomatiques. Dans l'analogie qui est faite par l'artiste, entre le Web et le système circulatoire de l'individu, les textes bouillonnent de vie et les pixels s'agitent infusés avec l'énergie circulant comme un flot de la même manière que celui des cellules sanguines. La grande finale des anges clonés, les messagers mythologiques habitant l'ether, résonne sur les textes comme des échos de voix angéliques. L'artiste canalise le flot sanguin des Datableeding texts, en portant doucement le visiteur des codes du Web jusqu'au codes d'une soi-disant nouvelle révolution: celle des technologies de la génétique.

R.D.

 

Talan Memmot
Lexia to Perplexia
2000
Directeur artistique et éditeur du Beehive Hypertext Hypermedia Literary Journal, Talan Memmott sonde les possibilités de l'écriture créative issue des nouveaux médias sur le Web. Les frontières entre l'investigation scientifique/critique/théorique et l'expression métaphorique dans Lexia to Perplexia sont brouillées. Plusieurs disciplines telles que les théories psychanalytiques, philosophiques et littéraires servent d'outils à l'investigation de l'artiste. Celui-ci expérimente grandement les nouveaux moyens de visualisation du texte. Il est à la recherche de formules pour l'articulation du texte dans l'espace du Web et dans celui du cadre de façon à créer du mouvement. Par différents moyens, il fait la preuve que la création littéraire sur le Web s'étend beaucoup plus loin que l'hypertexte.

En explorant ce projet, l'individu en vient à constater que la langue d'aujourd'hui est sur le point de changer. Cette transformation se produit sous ses yeux et il semble que tous écriront et liront différemment sous peu. Le renouvellement de la langue telle qu'elle est proposée par cette oeuvre montre que cette transformation est (r)évolutionnaire. Les origines de ce renouvellement ne posent pas de dilemne actuel à savoir si elles découlent de ce médium fondé sur le pixel ou du développement des idées de notre temps qui ne peuvent être simplement contenus par les logos classiques, comme Jacques Derrida le signaliait dans L'écriture et la différence en 1967. Les prophécies et méditations sur la naissance d'une nouvelle langue peuvent être trouvées dans plusieurs autres sources d'avant les nouvelles technologies telles que les méditations de Roland Barthes sur le désir d'une langue inconnue dans L'Empire des Signes et dans Révolution du langage poétique par Julia Kristeva, un ouvrage dans lequel elle soulève qu'une telle révolution n'est possible que par une expression qui dépasse l'inter-personnel.

Lexia to Perplexia de Memmot est un exemple des mécanismes à l'oeuvre lors de la naissance d'une nouvelle langue réinventant et enrichissant les formes de la communication. Dans une entrevue intitulée active/on Blur réalisée par Mark America dans Rhizome, l'artiste définit son oeuvre comme "rich.lit." Lexia to Perplexia est un laboratoire expérimental dans le champ de l'écriture issue des nouveaux médias, un carrefour de codes, de signes, de formules, d'idées et de médias et par dessus tout, une méthode qui a émergé pour disséquer le pixel... L'artiste examine la continuité du mythos et le transfert/la transmission de celui-ci à l'intérieur de la grille pixellisée. Il s'agit d'une recherche sur les origines et la nature d'un cyber-mythos, exemplifiant un mode nouveau et unique de la formation de l'idée en mouvement, différent de celui du cinéma ou de la poésie. Dans son étude, Memmot altère les mots en révélant ce qui est caché en eux et en exposant la méta-morpho-génèse de la langue comme processus culturel. D'anciennes significations refont surface avec le nouveau "Face to Face" et "I to eye".
R.D.

 

Mouchette
Wattlechick
1997
Dans Wattlechick, Mouchette propose au lecteur des textes en trois langues (anglais, français et néerlandais). Ces textes sont le produit d'une collaboration, si on peu dire, de la machine et de l'artiste, les mots générés au départ grâce à un programme appelé le "chaîneur" et réassemblés ensuite par l'auteur. Dans un texte d'accompagnement intitulé "Comment j'ai écrit certains de mes textes", Mouchette en donne le mode d'emploi: "Le chaîneur génère du texte en réassemblant de manière aléatoire des chaînes de 3 caractères présents dans un texte donné. Il est impossible de retrouver le texte d'origine bien que l'on en reconnaisse la langue immédiatement. Le chaîneur prend en compte tous les caractères: toutes les lettres, mais aussi les espaces, la ponctuation, les retours, tout. Les textes mouchettiens utilisent la production du chaîneur comme matériau brut mais tout le reste est fait à la main: les rimes, les mots qui reviennent, l'effet de dialogue, et tout ce qui rend le texte lisible et jouable."

Le chaîneur est "accessible sur le Net", mais comme Mouchette l'explique dans une "lettre à un ami", elle "n'en donnera pas l'adresse, autrement tout le monde pourrait faire pareil": c'est que le chaîneur, tout comme Mouchette, est en même temps un créateur qu'une créature de la machine et du Web, tributaire de ceux-ci et par ailleurs introuvables, localisables nulle part ailleurs. En effet, Mouchette "n'existe" pas, et ce pour deux raisons: d'abord le nom "Mouchette" comme elle l'explique dès l'entrée de son site "ne lui appartient pas". C'est celui du personnage principal du film "Mouchette" du cinéaste français Robert Bresson paru en 1967 - et avant lui, du livre de Georges Bernanos intitulé Nouvelle histoire de Mouchette publié en 1937. Deuxièmement, Mouchette existe d'autant moins qu'elle avoue d'entrée de jeu s'être suicidée à 13 ans en 1967 comme à la fin du film de Bresson. L'artiste du Web Mouchette n'est donc qu'un avatar, toujours déjà morte, existant/mourant uniquement sur le Web.

C'est de la conjugaison des deux créateurs/créatures que seront donc issus les textes qu'on peut lire sur le site (et aussi entendre en audio, Mouchette ayant également enregistré un CD des textes en "néerlandais"), et leur auteur(e)(?) se nommera donc une "wattlechick": "Vous le savez peut-être ou non, mais je suis une vraie spécialiste du texte, un poète et une manipulatrice, en un mot: une "wattlechick". Ce mot lui-même est un hybride: c'est le titre du poème créé à partir de l'anglais que l'on peut entendre à l'entrée en cliquant sur l'image/avatar de Mouchette.

Les textes résultants de cette nouvelle hybridation de créateurs/créatures déjà hybrides, seront donc et d'autant plus eux-mêmes des hybrides: les trois langues naturelles d'origine s'y retrouvant découpées, triturées, manipulées et réassemblées dans trois nouveaux langages incompréhensibles, mais tout de suite reconnaissables (car il est vrai que l'on identifie immédiatement la langue d'origine, ses sonorités, ses rythmes), offrant à la lecture des oeuvres - poèmes, narrations, dialogues - radicalement "in-signifiantes" mais malgré tout lisibles et audibles, fruits du hasard et de la nécessité du programme combinés au travail de réécriture d'une artiste/avatar insaisissable et déjà morte. Tout cela, bien sûr dans un jeu, où comme dans les meilleures expériences de la poésie aléatoire des surréalistes et des oulipiens, de la poésie sonore comme celle de Claude Gauvreau, l'humour, la distanciation et l'ironie ne sont jamais absents.
A.-M.B.

 

Mark Napier
The Shredder
1998
Il faut faire un effort pour se rappeler que les textes et les images que nous visionnons sur notre écran au cours de nos navigations et de nos échanges sur le Web sont illusoires et temporaires, et non réels et permanents, comme tenterait à le faire croire l'assimilation - purement métaphorique - de l'espace découpé par l'écran de l'ordinateur dans le flot d'informations de plus en plus rendues facilement accessibles sur le Net, avec la page de papier d'un livre imprimé. Le Web comme toile prend l'allure d'une structure en toile, bien connectée, systématique et organisée. Or en fait l'apparition de ces textes et de ces images sur nos écrans respectifs est strictement et simplement le produit d'une traduction dans un code commun qui soit lisible (le HTML) et d'une interprétation de ce code par le commun des fureteurs - les rendant ainsi transférables d'une machine à l'autre. D'où l'illusion de permanence: car depuis tout temps ce qui est visible et l'objet d'échange n'est-il pas aussi par le fait même considéré comme tangible? Avec le Shredder, Mark Napier s'attache à détruire au contraire cette "illusion de solidité et de permanence du Net" (Mark Napier, "About the Shredder"). Car derrière la page un moment conjurée sur l'écran, tant d'autres pages porteuses, elles, des codes à lire - par la machine - mais à ne pas voir - par le lecteur - n'existent que virtuellement, et pour toujours par image interposée.

Le principe de base de l'oeuvre de Napier en est bien simple: toute interprétation reposant toujours sur des conventions, le moyen de révéler et ainsi de subvertir leur caractère conventionnel est de les modifier, des règles d'interprétation différentes proposant forcément des interprétations différentes - et résultant en des textes différents, différemment affichés sur l'écran. Par conséquent le Shredder travaille à "altérer le code HTML avant sa lecture par le fureteur, [...s'appropriant] les informations constitutives du Web, et le transformant par là en un Web parallèle." (Mark Napier, ibid) Le Shredder est présenté des l'abord comme un fureteur, attribué de manière parodique d'un numéro ("1.0") comme Netscape ou Explorer. L'usager clique pour lancer le "déchiqueteur" (traduction littérale en français du terme "Shredder"): il est ensuite invité soit à entrer lui-même l'adresse d'une page Web de son choix, soit à en sélectionner une parmi celles des "favorites" déjà proposées (surtout des sites d'autres artistes du net art, ou de musées ou de galeries en ligne, choisies du fait du "résultat esthétique, de leur valeur conceptuelle, ou simplement par "vengeance" comme l'admet lui-même Napier). La page choisie passe alors à travers le filtre d'une interprétation dont la visée n'est plus l'occultation du code (de ce qui "ne doit pas" être vu) au seul service de l'évidence - lumineuse, n'est-ce pas - de l'apparition de la page magiquement "matérialisée" sur l'écran. Le Shredder au contraire est un filtre qui s'avoue comme filtre, en laissant passer justement ce que les autres fureteurs doivent à tout prix bloquer, un filtre qui s'interpose plutôt qu'il ne transpose, impropre, insolent, laissant s'échapper de toutes parts des lambeaux de sens - du côté du code comme du côté du texte - pour rendre lisible - en partie - ce qui ne doit pas être lu et illisible - en partie - ce qui aurait dû l'être. Comme l'a remarqué Sylvie Parent dans son commentaire de l'oeuvre de Napier (paru dans le numéro 7 de ce magazine), "ce qui était organisé et séparé fait soudain place à l'anarchie. L'oeuvre met en évidence les possibilités d'appropriation (couper, copier, coller) et de manipulation que permettent les outils informatiques et l'accès à un matériel abondant, disponible et ouvert (la source) à tous."

Ainsi, "le contenu devient une abstraction. Le texte devient graphique. L'information devient de l'art." (Mark Napier, "About the Shredder"). Dans ce jeu de rôles - car c'en est un, aux possibilités et aux effets fort ludiques - c'est en fin de compte le signifié qui vacille, au profit du signifiant qui circule.
A.-M.B.

 

Netochka Nezvanova
Eusocial
2000
Sur son site www.eusocial.com, "Netochka Nezvanova" présente donc son logiciel dernier-né, NATO.0+55+3d modular, lancé sur le "marché" en 2000.

Petite note: Netochka Nezvanova (Nameless Nobody) est aussi (d'abord?) le titre et le personnage principal d'un des premiers romans (1849) de Féodor Dostoevski, dont il a dû interrompre la rédaction au moment de son arrestation pour ses liens avec des groupuscules politiques déclarés subversifs.

Deuxième petite note: la présentation du logiciel sur le site "eusocial" est rédigée en "m9ndfukcais" , la "nova langue", si l'on peut dire, qui mêlent les lettres et les chiffres, l'anglais, le français, l'allemand, les abbréviations du Web et les bits, la langue inventée et fort pratiquée (entre autres sur les listes d'échange du Web comme Nettime) par le collectif(?) d'artiste(s?) du même nom (i.e. "m9ndfukc"). Une langue à la fois ludique et rebutante, poétique et politique, qui à elle seule a le pouvoir de conjurer autour d'elle un environnement machiné où la fiction s'installe, inévitablement. Les réminescences, les connotations, les métaphores s'enchaînent et s'empilent: on pense au langage poétique des innovateurs de l'écriture et aux diktats politiques utopiques des années 20. On rêve d'un monde nouveau. On le redoute aussi. C'est que Netochka Nezvanova nous fournit, avec la présentation du logiciel, des "komentari" et de la "propaganda", avec un "netverk" où on retrouve les liens aux oeuvres de m9ndfukc, des entrevues, des essais et vues politiques, poétiques, sociales et linguistiques, fragmentées, mêlées à des morceaux de codes, génétiques ou informatiques, une image en miroir de ce monde de l'information découpé en "bits" qui est désormais le nôtre, et où elle fait figure d'apôtre et de pionnière en même temps que de critique acerbe et mordante - dévorante.

Enfin, troisième note: le "client" éventuel désireux de s'informer ou de se procurer NATO.0+55+3d (car il lui sera possible de se le procurer en cliquant sur "just 1 klik") devra d'abord, d'entrée de jeu sur le site de www.eusocial.com essuyer le feu d'effets déstabilisateurs où il aura la vision de son écran d'ordinateur dévasté par des malfonctions anarchiques apparentes qui auront moins un rôle de démonstration vis-à-vis ledit logiciel que celui d'une mise en garde: attention, ce qui suit ne se veut pas "user friendly", facile d'usage.

Pourtant, le logiciel en lui-même est présenté, et apprécié (comme en témoignent les commentaires élogieux des utilisateurs, surtout des artistes, cf. "komentari") comme un outil flexible et adaptable. Le contraste entre la fluidité promise et permise par le logiciel dans le traitement/manipulation des données (principalement visuelles) et sa présentation sur le site est ce qui frappe. Ainsi, sur le site, paradoxe: pas d'images - le texte y défile noir sur un fond bleu acier, tantôt expliquant les capacités et les exigences techniques du logiciel (en termes de plate-forme requise (MAX), de quantité minimale de mémoire, etc.), tantôt gratifiant le visiteur/amateur de commentaires, citations, réflexions et de "rêveries" biologico-socio-économico-politiques, tantôt encore - un désir! vite maîtrisé - effilant ses lettres en une tentation de figure. Mais c'est justement ce contraste qui fait de la promotion de NATO.0+55 un geste politique - et aussi poétique, et littéraire. Car il est avant tout remarquable que la mise en marché de ce logiciel soit le fait d'un(e) artiste, et non d'une "korporation".Qu'un corps singulier batte sur leur propre terrain les corporations au jeu de la reproduction/manipulation/création du code.

Nous voulons ainsi, dans ce commentaire, certes attirer l'attention sur ce logiciel de manipulation et de transformation des images, vidéo, 2d, 3d, etc., en Quicktime qu'est "NATO.0+55.3d modular", paru en 2000 comme une version améliorée, avec plusieurs fonctions et objets ajoutés, de la version "non modulaire" datant de 1999 (la principale différence entre l'ancienne version et la nouvelle étant toutefois que cette dernière effectue son traitement des images "hors écran") mais encore, et surtout, souligner la présentation de ce logiciel en ligne sur "eusocial". Car cette présentation peut de fait être vue/lue comme une oeuvre en soi, qui met en scène les présupposés linguistiques, les possibilités narratives et les prolongements aux niveaux économique et politique du logiciel en question.

Qu'est-ce que NATO.0+55+3d?
"NATO.0+55+3d Modular est un ensemble d'objets externes QuickTime pour MAX. NATO permet aux utilisateurs de MAX de traiter avec toutes sortes de media QuickTime (films, images, son, QuickTime VR, QuickDraw 3D,etc.), à l'intérieur de l'environnement MAX (Ircam/Opcode/Cycling'74) de la même façon qu'avec des données MIDI ou audio utilisant des fonctions programmées ou MSP. NATO interface avec MAX de la même manière simple et directe que MSP." Ircam

Comme il nous est impossible dans le cadre de ce court commentaire d'entrer dans les détails et de décrire les centaines d'objets disponibles sur NATO, nous retiendrons simplement que NATO ces objets permettent l'entrée des données, leur analyse/manipulation/transformation, et leur décomposition/recomposition en un produit modifié créé à partir des données de départ réarrangées/collées/mélangées/mises en pièce (de manière prédéterminée, ou au hasard).

(Pour un exposé détaillé du fonctionnement et des possibilités de NATO.0+55+3d, voir le commentaire de Jeremy Bernstein) Signalons aussi qu'à la fin de son article, Jeremy Bersntein fournit les liens à plusieurs sites où il est possible de trouver d'autres commentaires mais surtout de voir des exemples en ligne d'oeuvres diverses déjà créées à l'aide de NATO.0+55+3d, ainsi que de l'information sur l'environnement MAX. (N.B. plusieurs de ces oeuvres exigent Quicktime).

Le langage est un chiffre - et comme tel il peut nous confondre. La machine nous joue, se joue de nous, nous met en servage. Nous en dépendons, ces outils sont devenus peu à peu – et avec l’avènement du monde numérique c’en est le couronnement – une doublure du monde “réel” qui pour nous depuis longtemps – depuis toujours déjà? – ne l’était plus si simplement. Autrement dit, notre monde est virtuel. "Netochka Nezvanova" remet justement en question la maîtrise de ces masses de données, confondant et déstabilisant le visiteur/client en même temps qu'"elle" lui offre la possibilité, avec l'achat du logiciel NATO.0+55+3d, de pouvoir se jouer à son tour de ces mêmes données. Ce que ce logiciel (et sa présentation sur eusocial) met en scène est le fonctionnement du langage - et son aisance de maniement, sa mouvance, sa logique, fondées sur sa discrétion : en effet, NATO fonctionne, comme le souligne Netochka, de manière syntaxique, c'est-à-dire qu'il permet la manipulation et la création, à partir de moyens finis, mais réassemblables et réassociables de manière souple, d'oeuvres infinies. Tout, étant réduit au chiffre du langage, devient possible: tous les passages, tous les échanges, sont assurés.
A.-M.B.

 

Commentaires rédigés par Anne-Marie Boisvert et Rossitza Daskalova



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