OEUVRES ÉLECTRONIQUES no.15


Hystérie médiatique
ou havre de repos :

Reynald Drouhin
Om
Mars 2001
et Nancy Tobin
Rest Area
20011

Il est devenu banal de dénoncer la saturation médiatique et l'omniprésence de la technologie dans notre culture. Soit, mais truisme ou non, il n'existe certainement aucune limite au commentaire artistique sur l'état des lieux en ce qui à trait à notre situation globale face à l'information. Om, le site Internet de Reynald Drouin et celui de Nancy Tobin, Rest Area, sont basés sur deux approches artistiques diamétralement opposées en ce qui a trait à la surabondance de l'information dans un monde où le média est roi. D'une part Om comble la mesure en créant un bombardement de sons émis par un collage visuel chargé qui s'amplifient en couches superposées. D'autre part, Nancy Tobin met en place une installation web minimaliste ; l'information filtrée au maximum, dépouillée, affranchie du superflu. Il en résulte un site tempéré, calme et apaisant, qui cependant ne peut être compris qu'en relation à un monde médiatique de stimuli incessants.

Om n'a rien à voir avec le mantra dont il emprunte le nom, au contraire le site campe un sentiment -tout de même amusant- d'agacement nerveux. Le visuel se présente comme un large collage, une courtepointe d'images carrées, positionnées comme un jeu de mémoire pour enfants (ces images juxtaposées; orange, étoiles, soleil, gramophones, chats, etc.). À l'entrée sur le site, un zoom se fait rapidement sur un rectangle saturé de ces images carrées jusqu'à presque remplir la fenêtre de navigation. Le rectangle est composé de 72 carrés, autant d'images différentes disposées sur une grille invisible de 9 unités de large et 8 de haut. Un clic sur une image amorce une boucle sonore unique à celle-ci. Par exemple, un clic sur l'image du soleil active un extrait sonore d'une publicité américaine, l'orange déclenche un gémissement orgasmique masculin, la bicyclette une pièce heavy metal, etc. Pour la plupart, ces images "inoffensives" cachent des bruits déplaisants, bruyants ou irritants, tirés de notre paysage médiatique. Une seule de ces boucles sonores suffit pour nous convaincre du fait que ce collage auditif n'est pas conçu pour être calme ni paisible. Le premier clic n'est toutefois que le premier maillon d'une chaîne de boucles qui s'accumulent et se superposent en une répétition insistante et sans fin. Après avoir lancé un premier carré dans sa danse sonore, on en clique intuitivement un second qui, a son tour, déclenche un bruit qui vient s'ajouter au premier, et ainsi de suite. Il en résulte une stupéfiante cacophonie où se mêlent extraits radio, gémissements tirés de films porno, berceuses, sonals, aboiements, chansons populaires, etc. Toutes les manifestations médiatiques s'entremêlent dans un chaos inévitable et désorientant. Aucun repos n'est permis ici, au contraire Om est un collage médiatique troublant qui nous pousse à chercher follement la sortie. À la frontière entre l'interface jouet et un collage aux inspirations dada, le site se pose en commentaire mordant de la stupidité à laquelle les médias nous ont habitués. Cette escalade, tout de même charmante, suscite finalement une réflexion sur l'engourdissement qui résulte de la parade frénétique des messages médiatiques (particulièrement en Amérique du Nord). L'usage habile des boucles en conjonction avec une interface au visuel enfantin se traduit en expérience peu agréable, mais définitivement ensorcelante, de la boulimie médiatique. Une thérapie choc fortement recommandée dans un monde regorgeant de bruits et de fureur multimédia.

Si vous quittez Om claqué et nerveux l'antidote parfait est de chercher refuge et calme sur Rest Area, l'aire de repos Internet de Nancy Tobin. Un site dénudé, a l'esthétique audiovisuelle minimaliste, qui s'inscrit à contre-courant de la pléthore de sites à haute stimulation, aux clics rapides, aux bannières et autres accoutrements qui encombrent le Net. D'entrée de jeu on suggère de relaxer et de s'arrêter cinq minutes. Ces cinq minutes sont le canevas temporel et l'épine dorsale du site. L'icône d'accès est un pictogramme à l'image d'un banc d'aire de repos, comme celui qu'on peut voir le long des autoroutes. Ce pictogramme déjà presque abstrait (blanc sur bleu) est réduit à de purs rectangles au gré des cinq minutes. Le " site " de relaxation débute sur une note décidément sereine. Un simple chronomètre du côté inférieur gauche de l'écran marque les secondes. Un petit rectangle bleu descend à l'écran pendant qu'un autre, blanc et de même dimension se déplace horizontalement dans la partie supérieure. Un rythme marqué d'un battement posé accompagne leur tranquille voyage. À la même régularité, les rectangles gagnent en taille et changent de trajectoire. Lentement, de nouveaux rectangles se joignent à la douce parade. Un son modulé marque leur arrivé à l'écran. L'accumulation de ces différents rectangles rappelle le visuel d'un signal télé hors-ondes. Après chaque bloc de 60 secondes un son légèrement plus fort se fait entendre et le compteur se remet à zéro. Une minute d'animation légèrement plus complexe mais toujours minimaliste s'installe. Cette fois des découpes rectangulaires de couleurs se déplacent en diagonale du coin inférieur gauche de l'écran vers le coin supérieur droit. Chaque minute marque un nouveau chapitre de cette géométrie variable, jusqu'à ce que les cinq minutes se soient écoulées. Les composantes chromatiques épurées et les formes géométriques pures se combinent aux sons raffinés et choisis en une intéressante pièce de dénuement médiatique, un sursis face au monde exacerbé dont il est question sur le site Om.

L'économie visuelle et sonique de l'œuvre de Nancy Tobin, et la mitraillette audiovisuelle baroque et hyper-référentielle de Raymond Drouhin trouvent l'essence de leur exploration respective dans des esthétiques fondamentalement opposées et sans commune mesure. Cependant, dans leur positionnement respectif en regard à un monde hypermédiatisé, ils proposent deux explorations des complexités, toujours changeantes, de notre paysage médiatique à la fois complémentaires et mutuellement enrichissantes.

Note

1 (Crédits pour Rest Area : Merci au GIV (Groupe Intervention Video) et à Nicole Gingras)

B.S.

 

Glorious Ninth
(Kate Southworth,
Patrick Simons)

Who_Owns_Them_Controls
Novembre 2001

Sous le nom collectif de Glorious Ninth, Kate Southworth et Patrick Simons produisent des oeuvres numériques liées de près à l'activisme. La plupart des artistes qui entreprennent une telle démarche ont tendance à utiliser des moyens subversifs dans l'expression d'idées radicales plutôt qu'une approche, plus militante, faites de déclarations et d'affirmations soutenues. Néanmoins l'art numérique, le net.art, demeure inséparable de l'activisme dans sa façon de scruter les nombreux courants présents sur Internet et leur impact socio-politique et psychologique.

Who_Owns_Them_Controls, à l'image d'autres réalisations de Glorious Ninth, est constitué de sons et de mots groupés en phrases évocatrices de slogans. L'œuvre agit comme affiche politique et évoque un panneau électronique. À cet égard, cette œuvre numérique se positionne à l'antipode des panneaux publicitaires extérieurs qui masquent de leur bombardement nos champs de vision. De plus le projet questionne la prolifération de la publicité sur Internet dans l'optique de la relation entre la propriété technologique et le discourt consumériste qui y prédomine. Les résonances marxistes du projet en font le vague vestige des slogans politiques qui proliféraient dans les régimes communistes révolus. Par ailleurs, il est clair que les artistes n'ont pas choisi ici de combattre une coercition en lui en suppléant une autre.

Les phrases de différentes couleurs sur un arrière-plan noir sont présentées comme des données qui se désagrègent. Elles sont superposées les unes aux autres, grimpent et glissent sur la surface noire, se déplacent comme des vagues. Le leitmotiv " who owns them controls them " ('qui les possède les contrôle') est à la fois une affirmation et une question. Un son ambiant bourdonne et participe du fond sonore et de la catégorisation des sous-entendus dans chaque phrase. L'ambiguïté est amplifiée par la composition visuelle, les mots de différentes couleurs s'accumulent et s'entremêlent à mesure de leurs déplacements verticaux ascendants et descendants. Le phrasé de la trame sonore est composé de deux éléments : l'un ascendant, aigu et stridulant, l'autre un vrombissement plus grave, une rumeur descendante. L'œuvre s'appuie donc sur un modèle de parallélismes voilés entre ce qui est vu et entendu. Les affirmations en sont moins péremptoires ouvrant l'œuvre à différentes interprétations et degrés de perception et faisant d'elle une réalisation interactive sur le plan conceptuel.

Le visiteur est confronté à une page unique, sans hyperlien. Il lui semble impossible de naviguer, qu'il ou elle n'a aucun contrôle sur l'information qui défile à l'écran. Toutefois, à l'entrée sur le site, le visiteur voit des mots en blanc apparaître centrés au bas de l'écran, une lettre à la fois, comme si c'était lui ou elle qui tapait à son clavier. À mesure qu'elles apparaissent, les lettres restent gravées dans l'arrière-plan noir et donnent à l'ensemble un air improvisé. On peut lire : " You can access this in many ways " ('vous pouvez accéder à ceci de plusieurs façon'). Puis, comme un message secret écrit sur le sable, des vagues de mots nouveaux déferlent, couvrent les précédents et les ballaient.

La pièce est musicalement composée d'éléments visuels, de sons et de mots. Sur le côté droit de l'écran les données sont agglutinées en une bande immobile de laquelle des éléments se détachent en traînées horizontales et verticales sur l'écran. Sur la gauche, l'inscription " You can access this in many ways " réapparaît en lettres roses, puis en contrepoids " themselves " ('eux-même') s'affiche en gris à l'écran à chaque mouvement du curseur, interrompant du coup la trame sonore. Ici l'observateur devient impliqué, ses maniements (actions avec la main) laissent des traces et servent d'intermédiaires entre les pôles de contrôle basés sur la propriété technologique et les autres possibilités d'accès.

Dans leur réponse à un questionnaire de Soundtoys http://www.soundtoys.net/a/journal/texts/interview/south.html) Kate Southworth et Patrick Simons affirment :

" À un autre niveau, tout comme l'ensemble de nos travaux, ce projet s'intéresse aux changements constants qui s'opèrent sur notre monde. Il y a toujours des mouvements d'une chose vers une autre, mais si ces changements s'opèrent trop lentement alors souvent nous les ignorons. L'œuvre change sans cesse à mesure que les éléments qui la composent interagissent. S'il semble parfois que l'activité soit monolithique, des changements monumentaux plus perceptibles s'opèrent aussi. "

L'expérience de Who_Owns_Them_Controls passe par l'encodage et le décodage. Sa perpétuelle régénération révèle l'absurdité de la propriété de l'information et du pouvoir face à la communication. Dans la sombre impénétrabilité du vide (l'arrière-plan noir) prolifèrent le chaos, les pièges et les nombreuses possibilités d'expérience.

R.D.

 

LAB(au)
(Manuel Abendroth,
Jerome Decock,
Alexandre Plennevaux)

sPACE, navigable music
2001

Le projet sPACE, navigable music est conçu comme un environnement audiovisuel unique de structures et de formes qui, comme un organisme vivant, peut se reproduire et se régénérer. Le menu se présente sous la forme d'un système solaire, similaire au nôtre : autour d'un noyau, trois anneaux différents s'illuminent tour à tour lorsque sélectionnés. Par ailleurs, à mesure que le curseur est déplacé sur les différentes régions du menu, des représentations géométriques apparaissent, certaines rouges (read - recherches théoriques), d'autres bleues (experiment - expérimentations unissant architecture, music et cinéma dans le même espace tridimensionnel interactif), d'autres enfin blanches (explore - musiques navigables où l'usager peut créer un vidéoclip en plaçant des sons pour en enregistrer le mouvement dans l'architecture sonore et spatiale). Ainsi, les éléments du menu se lient en différentes configurations suggérant leurs interrelations. Il s'agit de la représentation d'une toile, d'un réseau où les interconnections dynamiques des éléments démontrent clairement les liens qu'ils entretiennent.

Dans un espace audiovisuel en particulier, le visiteur se voit propulsé dans ce qui ressemble à un corridor oscillant. De l'extérieur la structure rappelle la vue en coupe d'un tunnel. Ses quatres murs aux textures et aux couleurs changeantes sont fluides et on les traverse aisément pour pénétrer les espaces adjacents. Ils passent du vert au noir, puis du bleu aux teintes de rouge. Si le curseur reste immobile l'environnement se stabilise et semble respirer au rythme des battements qui l'animent. Du lointain des mots et des chiffres glissent le long des murs et s'approchent, suggérant un déplacement, un voyage de l'usager.

La traversée prends des airs d'osmose et transporte l'utilisateur vers d'autres espaces, effaçant le précédent à mesure que le nouveau se fait plus net. La texture ambiante est le résultat d'une effective fusion entre les éléments visuels et sonores à mesure que les membranes sensibles des " lieux " réagissent et s'imprègnent des différents sons. Un environnement onirique similaire avait déjà été décrit par Brian Eno de cette façon :

"Je réalisai que j'évoluais vers une musique qui avait cette sensibilité : comme auditeur, je voulais être transporté dans un immense lieu fait de sons apparentés, plutôt que placé devant un monolithe rigide et rigoureusement organisé (un stéréolithe en fait). Je voulais étendre le champs sonore, placer le son à distance considérable de l'auditeur (en partie 'hors de portée de voix' même), et laisser les sons vivre, séparés les uns des autres, se regroupant parfois mais jamais 'musicalement' dépendant."1

En amalgamant les éléments le projet installe un phénomène d'éclatement des paramètres espace-temps en chaînes élastiques. L'ensemble est un habitat vivant, une architecture mobile et faite de sons et de vues malléables. Son extérieur et ses intérieurs sont faits de grilles pouvant être associées à autant de cadres et de modules au cœur desquels l'espace digital polymorphe prend forme. sPACE, navigable music propose un certain modèle de l'Internet. Il se penche sur les différentes dimensions de l'univers digital, son tissus et ses architectoniques.

Note

1- Brian Eno, Ambient Music, 1982.
http://homestudio.thing.net/revue/content/ambient.htm


R.D.

 

Jean-Luc Lamarque
Pianographique
Décembre 1999

Rythmes AZERTY : des sessions pianographiques

Depuis l'expansion de l'Internet une foule d'interfaces Flash ont été développées qui sont des machines à musique à l'image des vieilles boîtes à rythme (BAR) analogues/digitales des années 80. La version Flash d'aujourd'hui offre des échantillons et des boucles audio, aussi dans certains cas la manipulation d' images. En fait ces instruments sont des consoles de mixage plus que des boîtes à rythmes : l'utilisateur ne programme pas de notes individuelles, il organise plutôt diverses boucles avec des accents sonores en les combinant par mixage. Ainsi les non musiciens peuvent s'initier au mixage sans avoir à maîtriser la technique des tables tournantes. En choisissant les sons et en les agençant, d'auditeur passif l'utilisateur devient impliqué dans le processus de création. Parce que le matériel sonore est préparé à l'avance on pourrait supposer du procédé qu'il s'apparente à la peinture par numéro. Cependant à l'utilisation des interfaces Flash de mixage virtuel, le dj amateur est libre d'insérer les sons où bon lui semble, laissant une grande place à l'exploration et à l'improvisation.

Certaines interfaces, comme le superbe Looplabs de Crash!Media's (http://looplabs.com), sont presque assez complexes pour nécessiter une réelle expérience du mixage. D'autres, Blue Universe est de celles-là (http://www.mythicalfish.com/blueuniversev4.htm), sont aussi difficiles à regarder qu'à comprendre, ou encore, c'est le cas de Cymbalism (http://www.cymbalism.com), sont très belles mais causeront probablement des blocages sérieux de votre navigateur. Le Pianographique (http://www.pianographique.com) est quant à lui très convivial, offre des sons et des images inspirantes, et supportera vos rafales au clavier qwerty sans broncher.

Apprendre à utiliser le Pianographique de France est un jeu d'enfant : il suffit d'appuyer sur les touches du clavier et de faire des cliques en déplaçant le pointeur de la souris sur le canevas. Après avoir choisi une version thème, des boucles orchestrales sont enregistrées dans la mémoire RAM de votre ordinateur. Ainsi on obtient un effet immédiat à chaque frappe de clavier. L'exercice est plus intéressant en duo, avec un manipulateur désigné pour la souris. Cinq versions sont disponibles, chacune dans un style particulier - drum and bass, jazz, hip-hop, techno ou musique du monde. La série de sons de chaque style est composée d'un ensemble varié de boucles, de bases rythmiques, des basses, des guitares, des sons au synthétiseur, des voix, etc. Les images qui s'affichent en synchro avec les sons puisent dans le répertoire visuel du thème choisi et quelques minutes d'improvisation résultent en un nouveau collage visuel. Angular Entropy (la version drum and bass) est composée de sons et de visuels cryptiques inspirés de l'imaginaire de science fiction, mais c'est Compulsion (la version jazz) qui est ma préférée avec ses découpages tirés de grands enregistrement jazz des années 60.

Bien qu'il ne soit pas expressément didactique, le Pianographique donne la chance au non musicien d'expérimenter le mixage en construisant une piste sonore élément par élément. En laissant entendre et manier différents éléments musicaux, l'interface invite l'usager à comprendre comment des échantillons peuvent s'agencer pour crée une pièce musicale.

L'interface est solide : j'ai bien essayé de causer un blocage en tapant le plus de lettres possibles, mais tout ce que j'ai réussi à obtenir c'est une soupe de " loops " et une serviette gribouillée assortie. Il ne manque en fait que la possibilité d'enregistrer la performance. La seule solution pour ce faire reste de brancher la sortie audio à un enregistreur MP3 ou au vieil enregistreur cassette de votre oncle.

Nul besoin d'un accès Internet à haute-vitesse pour apprécier le Pianographique, mais vous aurez besoin du module Shockwave de Macromédia (disponible en téléchargement gratuit à partir de http://www.shockwave.com).

N.B.

 

Hidekazu Minami
Infrasonic Soundscape
Juin 2001

"Traversons ensemble une grande capitale moderne, les oreilles plus attentives que les yeux, et nous varierons les plaisirs de notre sensibilité en distinguant les glouglous d'eau, d'air et de gaz dans les tuyaux métalliques, les borborygmes et les râles des moteurs qui respirent avec une animalité indiscutable [...] Nous orchestrerons les portes à coulisses des magasins, le brouhaha des foules, les tintamarres différents des gares, des forges, des filatures, des imprimeries, des usines électriques et des chemins de fer souterrains."1

Acousmate n. m. (du grec akousma : "ce qu'on entend") : Bruit de voix humaines ou d'instruments que l'on s'imagine entendre ou que l'on entend sans en déceler les causes.

L'Internet a complètement transformé notre compréhension des architectures spatiales et même des structures psycho-sociales. Les topographies règnent sur ce nouvel environnement cartographique et la possibilité, à vol d'oiseau, de faire un zoom jusqu'au microscopique se présente en nouvelle doctrine comme l'essence de notre capacité de voir, sentir et agir à distance. L'émergence sur Internet de ce qu'on appelle, à défaut d'un terme plus juste, les "jouets sonores" ou SoundToys - ces nouvelles interfaces éphémères qui agissent à la fois comme instruments et médiateurs dans l'élaboration d'environnements sonores - a fait naître de nouveaux modèles d'exploration musicale, un peu comme l'avait fait le Theremin au siècle dernier. Ce que Minami avance ici est un nouveau modèle d'engagement sonique, la ville en tant qu'instrument. Nous nous trouvons en présence d'une interface aux allures d'écran radar vert iridescent nous permettant d'activer divers sons, extraits de l'environnement sonore de la ville. Cheminant avec prudence, ne sachant trop à quoi nous attendre de chaque prochain élément, nous cliquons sur la carte des rues, simples fantômes référentiels, région observée mais jamais vraiment entendue. De ces moments atmosphériques, comme des capsules d'air prises de ground zero, un collage de l'urbain se dessine, plus profond et chargé de sens que ne le serait une simple carte de la ville, dans ce monde nocturne au milieu duquel, étrangers, nous comme forcés de naviguer. Comme dans un rêve, il y a cette discordance entre ce que nous croyons appeler (une fenêtre de l'observatoire du World Trade Center) et ce que nous entendons (un sourd bourdonnement et un cliquetis métallique). C'est là que se tapit la métaphore... La ville symphonique de Russolo, voilée (anéantie), n'en est que plus vivante ; récupérée, elle est vibrante de sa présence acousmatique, ressuscitée et forte de ce second souffle.

Minami nous a transportés au cœur même de sa mégapole, et c'est comme des chauves-souris, les bras tendus avec incertitude en guise de sonar que nous évoluons à tâtons entre ses murs (existent-ils même vraiment?) qui nous guideront à bon port ou nous perdront dans une boucle sans fin.

Note

1- Luigi Russolo, Art of Noises, 1913.

B.T.

 

Yucef Merhi
Poetic Dialogues
Mars 2002

Trois visages occupent l'espace de la page et font entendre une parole fracturée et réorganisée par le hasard.

On appuie sur le bouton, l'écran de gauche s'anime et la première séquence commence. Une personne, captée par une caméra vidéo, nous regarde et s'adresse à nous; elle articule à voix haute un vers et, pour le moment, on pourrait croire qu'il s'agit d'un énoncé autonome. Mais une fois la séquence terminée, l'écran du centre se dégèle. Une autre personne scande ce qui devient manifestement la suite du premier vers. Puis l'instantané vidéo continue sur le troisième écran. Là l'action n'est pas différente: une personne prend la parole, toujours en nous destinant son dire par un regard soutenu. La page redevient fixe et il faudra appuyer sur le bouton pour déclencher un nouvel instantané vidéo, qui sera également constitué de trois séquences pour un poème.

Chaque poème est le résultat d'un processus aléatoire. En effet, toutes les séquences d'un écran peuvent être combinées, selon un choix effectué par le programme informatique, avec toutes les séquences des autres écrans. Il y a trois séries de séquences, chacune étant circonscrite à une position parmi les trois positions possibles. Évidemment, l'auteur ne peut pas mettre des mots ensembles n'importe comment et dire : voici une phrase, poétique ou non. Aussi la succession des séquences a-t-elle un ordre qui ne varie pas; les poèmes comportent une protase en introduction et sont clos par une apodose, et le relais des récitations se fait toujours, sur la page, de gauche à droite.

Le mode aléatoire de la production des poèmes constitue l'une des principales tensions de l'oeuvre. Les autres tensions résident dans la poésie comme telle et dans la fragmentation de l'espace et de la parole.

Aucun travail n'a été fait sur les composantes visuelles de Poetic Dialogues. Les personnes ont été filmés simplement et leur jeu n'a pas été dirigé. La mise en scène est, à proprement parler, inexistante. La présentation sur la page, par le dénuement du style et par la restriction des moyens, ne produit aucun gain de signification aux poèmes. Les moyens servent uniquement à véhiculer les vers. L'aspect visuel de l'oeuvre est donc partiellement subordonné au dire.

Partiellement, car Poetic Dialogues est aussi une série de portraits instantanés, naturalistes et sobres. Une galerie, un poste d'observation sur des gens inconnus, pris tels qu'ils sont dans leur quotidien. Il n'y a pas de hiérarchie dans leur apparition, et leur subjectivité est effacée au profit du dire.

Par ailleurs, s'il y a de la musique dans cette oeuvre, c'est dans le timbre des voix, dans le débit des déclamations et, partant, dans la prosodie des vers, perçue en tant que «musicalité». Pour être réceptif à l'élément accoustique d'une telle oeuvre qui ne comporte ni musique ni travail sur le son, nous devons nous soumettre à une vision du monde où tout est ramené à un seul et même plan. Dans une notice servant d'introduction à son travail, l'artiste s'explique: «I believe that poetry transforms objects into art, in the same way that it converts noise into music [Je crois que la poésie transforme les objets en art, de la même manière qu'elle change le bruit en musique].» Ce serait donc ici le «bruit» des déclamations qui, par la poésie inhérentes aux déclamations, se donnerait et devrait être pris pour de la musique.

Enfin, si ce travail oulipien peut être qualifié de ludique - les combinaisons sont fortuites, l'auteur affirme que la poésie fait un bon tableau de tout objet -, il faut entendre les poèmes pour voir en quoi ce travail renferme surtout les images d'une dissolution générale.

P.L.

 


Émilie Pitoiset
Caution
Août 2001

L'œuvre d'Émilie Pitoiset n'offre pas à l'utilisateur un espace d'expérimentation et de création sonore interactif, bien au contraire, c'est l'artiste qui s'approprie l'espace personnel du visiteur. Ce dernier est averti que l'expérience risque d'être douloureuse : « Caution, EAR PROTECTION REQUIRED ».

Son brutal par excellence, le larsen retenti, crisse, s'immisce dans nos oreilles et nous n'avons qu'une hâte, c'est le faire taire. En plus de cette agression sonore, de multiples fenêtres s'ouvrent et se ferment, courent sur l'écran, et rien n'y fait, le larsen se propage et dévaste tout.

L'utilisateur n'a soudain plus aucun contrôle sur l'interface, le navigateur, ni aucune application. Privé d'interactivité et de toute possibilité de dialogue avec son ordinateur, il ne lui reste qu'à attendre que l'œuvre finisse par s'étouffer elle-même. Une fois « plantée », nous restons fébrile un instant, et en définitive, nous ne sommes pas vraiment sûr que cette expérience sonore et visuelle n'ait laissé indemne notre système. Un redémarrage s'impose, au cas où le « virus-larsen » ne soit pas tout à fait mort...

La démarche d'Emilie Pitoiset est pour le moins radicale et significative d'une attitude iconoclaste de certains artistes du réseau qui prennent littéralement en otage les systèmes de navigation comme l'a également fait Jodi avec son projet OSS.

Caution place l'utilisateur dans une position très délicate, voire désagréable, étant donné qu'elle s'approprie le contrôle absolu de l'ordinateur et ne renvoie à l'utilisateur que l'image d'un bogue significatif de son système. Par cette démarche, l'artiste s'attaque directement à la machine et la pousse à l'accident, un accident informatique semblable à l'accident sonore que représente le larsen. Si un larsen est effectivement un « accident », il est également un mouvement sonore perpétuel, mouvement auquel fait écho la multiplication de pop-ups et d'objets visuels incontrôlables. La production volontaire de larsens comporte le risque d'implosion des enceintes qui les émettent, et c'est bien ce que tout utilisateur finit par craindre, pris malgré lui dans ce système infernal.

Est-ce à dire que l'artiste se place implicitement dans une position dominatrice sur nos systèmes informatiques, et finalement sur nous-même ? Peut-être que sa démarche n'est pas à ce point extrémiste, mais Caution nous rappelle que notre société, désormais hyper-informatisée, n'est pas si fiable que ce que nous sommes amenés à le croire. L'artiste, telle un « hacker », pirate en un rien de temps nos ordinateurs, dans lesquels nous plaçons pourtant une confiance aveugle et quotidienne. La critique semble alors justifiée puisque nous demeurons impuissants face à cette agression. Si l'informatique règne désormais sur nos vies, il n'en reste pas moins que certains, forts de leurs connaissances du réseau et des langages, peuvent comme Caution, dévaster et pirater n'importe quelle machine.

Mais rassurons-nous, même si cette œuvre provoque en nous quelques inquiétudes momentanées, elle n'en reste pas moins inoffensive. L'inquiétude, justement, et le sentiment d'agression que peut ressentir l'utilisateur sont des sentiments que l'artiste utilise pour nous mettre face à cette évidence : nous utilisons tous des ordinateurs, et ce quotidiennement, mais nous ne sommes pourtant pas encore à l'aise avec les codes et les langages qui les régissent. Il suffit qu'un incident (un accident) survienne et nous voilà désarmés face à un écran récalcitrant, un clavier qui s'entête ou une machine qui refuse d'obtempérer. L'informatique est certes source de grands progrès, mais également de craintes et d'incertitudes. Pour preuve, nous pouvons nous rappeler du doute et de l'appréhension qu'a causé le passage à l'an 2000. Nous n'étions finalement pas à l'abri d'un bogue généralisé... Et celui que provoque Émilie Pitoiset nous laisse alors penser que la suprématie de la machine reste tout de même un phénomène dont il faut se préoccuper, et dont il faut surtout se méfier.

C.P.

 

Martin Wattenberg
The Shape of Songs
Juin 2001

La musique est indéniablement un élément fondamental de l'expérience Web. Il s'agit d'un des objets Web les plus convoités, un centre d'intérêt et une source de désir qui tire du fétichisme. Peut importe dans quelle tranchée du cyberespace nous nous positionnons, le fait est que nous avons empêtré cette musique dans un imbroglio ; au milieu de notre chasse et poussés par notre soif peut-être sommes-nous en train de perdre le fils de son potentiel immense.

Sans prétention ni violence Martin Wattenberg pose une question simple et d'apparence innocente : " De quoi la musique à-t-elle l'air ? " The Shape of Songs propose une opportunité d'arrêter la fiévreuse ruée en retournant à la source et en posant un regard derrière le rideau de la musique Web pour en extraire les qualités essentielles d'abstraction et de transparence.

Par le biais d'un logiciel conçu à cet effet, des partitions transposées en fichier midi sont disséquées en structures et en designs de base. Tous les style musicaux disponibles sur Internet peuvent être visualisés, " des structure profondes de Bach aux beautés cristallines de Philip Glass " (Wattenberg). Le dessin qui en résulte tient compte de toutes les pistes et une interprétation de la pièce, jouée par un humain sur synthétiseur, peut-être écoutée. Les dessins sont faits d'arcs statiques qui résultent des mouvements dans chaque pièce. Cette simplification choque d'abord en ce qui a trait à la façon dont la musique est rendue disponible sur Internet. Prenant en compte les formes et les couleurs sous lesquelles la musique est présentée sur le Net, bien que sa gratuité d'accès soit de plus en plus limité, The Shape of Songs excite peu, au point de devenir désarmant, de rendre perplexe.

Les arcs d'un bleu-gris pâle restent neutres et discrets, prismatiques. Bien que leur caractère soit fonctionnel en ce qu'ils marquent le squelette d'une partition midi, ils revêtent aussi le rôle de métaphore : l'arche, le seuil par lequel notre perception peut passer. Ils sont autant de cordes qui vibrent au son d'une voix différente et voilée de la même musique.

Parlant de " la méthode derrière " le projet, l'artiste dit : " Les diagrammes dans The Shape of Songs présentent la forme musicale comme une séquence d'arcs translucides. Chaque arc relie deux passages identiques répétés dans une composition. En utilisant les passages répétés comme marqueurs, le diagramme illustre la structure profonde de la composition. "

Avec ce projet qui aborde l'idée de voir la musique (donc aussi d'entendre un dessin) et de toucher, Wattenberg touche à la notion de synesthésie dans l'œuvre d'art de même que sur l'Internet comme média, comme l'ont été considérés l'opéra et le cinéma.

En révélant le rythme et les motifs d'une pièce en fichier midi, l'artiste démontre le potentiel d'accessibilité et d'interactivité en création. Il fait tomber le masque baroque de la musique sur le Web et lui rend sa grâce intrinsèque. Opérant sur les récentes maladies de la musique, comme un chirurgien de l'oreille et de l'œil, The Shape of Songs démêle l'écheveau de la musique sur le Web en lui appliquant un ordre différent et nouveau. Le logiciel devient un outil d'analyse, l'instrument du logos lui servant à coudre et à découdre des liens numériques.

R.D.

 

[the user]
Silophone
Juin 2000

-Son
-Architecture
-Art interactif
-Environnements connexes
-Musique concrète

L'architecture est féconde en sons, en réverbérations et en échos qui proviennent de notre environnement. Silophone, du collectif [the user], transforme une structure industrielle emblématique de Montréal, le Silo #5, en instrument musical interactif. Situé dans le Vieux-Port de Montréal, le silo désaffecté fait partie d'un ensemble d'architectures industrielles bordant la route maritime du Saint-Laurent et qui sont liées à des réseaux de chemins de fer à travers le continent. Caverneux et s'inscrivant à l'intérieur des développements urbains modernes, les silos qui servaient autrefois à l'entreposage du grain, ont été fermés et sont vides depuis 1996. Ils sont aussi devenus célèbres, ayant été décrits par Le Corbusier comme des "chefs-d'œuvre d'architecture moderne".1 Le projet Silophone agit comme médiateur entre le silo et le public, invitant ce dernier à transmettre par courriel ou par téléphone des sons uniques (ou de choisir parmi une série de fichiers numériques archivés) qui seront joués dans le ventre de la structure inoccupée. Les sons qui en émanent sont ainsi transformés par l'architecture et retransmis via le site Web.

L'espace joue un rôle cathartique dans la production de l'art sonore. Comme le remarque Achim Wollscheid, aujourd'hui, "[...] l'espace, avec son regroupement de producteurs de son, d'auditeurs et d'objets produisant du son, devient l'INSTRUMENT".2 Certaines œuvres, comme "4'33" de John Cage (quatre minutes trente-trois secondes de "silence"), ont accentué notre sensibilité envers les environnements acoustiques dans lesquels nous écoutons. Silophone, bien qu'elle soit une intervention faite en collaboration et nourrie par plusieurs "joueurs" à travers la planète, aborde la constitution de l'architecture qui nous entoure. Comme nous le rappelle Giancarlo Toniutti, "le son comme phénomène fait donc partie de l'espace, puisqu'il ne peut exister que dans l'espace".3 Les racines d'un projet comme celui-ci remontent au mouvement de Musique concrète du Paris des années 1950 et 1960. Les musiciens (ou artistes sonores) associés à la Musique concrète (Pierre Schaeffer, Michel Chion, Pierre Henry, Bernard Parmegiani, entre autres) se concentraient sur la substance même de la réalité "concrète", c'est-à-dire dire le paysage sonore et le bruit, en insistant sur les complexités frénétiques de la vie urbaine, et la rue comme lieu d'"ambiance". Les compositeurs de Musique concrète s'intéressaient vivement à créer de la musique en utilisant les appareils qu'offrait la technologie d'enregistrement de l'époque (bande magnétique, disques pour le phonographe, etc.). Brandon LaBelle écrit :

"À partir d'ici, de ce point concret, la composition musicale prend forme par le biais d'un intérêt réflexif pour la matérialité même du médium d'enregistrement. La matérialité n'est jamais absente de ce que nous entendons - elle refait constamment surface dans les compositions."4

Au cœur de ces investigations, l'accent est mis sur le collage dans lequel sont incorporés des sons environnants, des bruits urbains, des sons de machine, des interactions publiques, des effets produits en studio et des fragments vocaux/musicaux. Pareillement, Silophone est un instrument "matériel", soit un récipient où le son est manipulé, qui incorpore une panoplie de fragments sonores joués par la technologie d'aujourd'hui: l'Internet.

Créant un lien entre la révolution industrielle déclinante et la révolution technologique évanescente - et naviguant entre des architectures désaffectées situées au cœur d'une ville et des technologies d'information en réseau à travers le monde -, Silophone participe à la revitalisation et à la sensibilisation de nos environnements architecturaux/sonores.

Notes

1- Voir: http://www.silophone.net/fra/about.html
2- Achim Wollscheid, "Does the Song Remain the Same?", (Ed.) Brandon LaBelle & Steve Roden, Site of Sound: of Architecture & the Ear, Errant Bodies Press in association with Smart Art Press, Los Angeles, 1999, p. 8.
3- Giancarlo Toniutti, "Space as a Cultural Substratum", (Ed.) Brandon LaBelle & Steve Roden, Site of Sound: of Architecture & the Ear, Errant Bodies Press in association with Smart Art Press, Los Angeles, 1999, p. 39.
4- Brandon LaBelle, "Architecture of Noise", (Ed.) Brandon LaBelle & Steve Roden, Site of Sound: of Architecture & the Ear, Errant Bodies Press in association with Smart Art Press, Los Angeles, 1999, p. 54.


V.L. (Traduction française : Colette Tougas)



La faculté du son de voyager dans l'espace, de se propager, de parcourir les distances, de créer un espace qui échappe à la saisie du regard en fait une matière ouverte à l'extension spatiale qu'offrent les réseaux de communication comme le Web. À cet égard, et contrairement aux sites Web radiophoniques ou musicaux, le projet Silophone prend en compte bien davantage que les possibilités de diffusion et de transmission. En utilisant le Silo #5 à Montréal comme espace acoustique, il invite à considérer les manières dont l'environnement amplifie, distorsionne et s'approprie le son. En renouant avec le monde dans le contexte des technologies numériques et en conviant le participant à faire de même, il fait valoir l'importance du lieu physique, des dialogues possibles et souhaitables entre celui-ci et le cyberespace.

Dans son article Online Sound and Virtual Architecture, Sean Cubitt mentionne le fait que la rétroaction (feedback) - particulièrement importante chez certaines communautés ethniques - fait en sorte que "le médium de la communication est une partie vivante du message, l'évidence matérielle de sa connectivité", et s'oppose ainsi aux modèles de communication traditionnels dont le but consiste à faire parvenir un message aussi peu corrompu que possible et à nier le canal de transmission.1 Dans le projet Silophone, le parcours du son - aller et retour du participant au silo et du silo au participant - et la transformation opérée par le silo, portés au premier plan, deviennent manifestes. En effet, pendant le temps d'attente nécessaire pour que s'effectue cette trajectoire bidirectionnelle, délai rendu perceptible - les 40 secondes d'attente pour entendre le son envoyé paraissent longues -, le participant demeure dans l'expectative, dans une disposition alerte. Le silence - " le silence demande une implication concrète vis-à-vis de l'endroit où vous vous situez. Soudainement, vous êtes là où il devrait y avoir un son. L'effort d'écouter est simultanément l'effort de définir un lieu " -, tout autant que le son modifié par le silo et retourné à l'individu participant, invite celui-ci à prendre conscience de l'expérience spatio-temporelle à laquelle il se livre. Le son répercuté, comme l'écho, sorte de miroir déformant, offre une réflexion de soi altérée par le milieu par lequel il transite, si bien que le geste trouve sa signification dans cette réverbération qui inclut l'individu dans son environnement, aussi bien virtuel que réel.

De plus, le fait de produire un son est un geste significatif, il suppose une conquête spatiale. " Faire un bruit est un signe de rébellion. C'est un refus de se conformer aux conventions sociales n'autorisant que les puissants à faire du vacarme. C'est une revendication territoriale." écrivait le même auteur dans un autre texte.2

Notes

1- Sean Cubitt, "Online Sound and Virtual Architecture",Homestudio Audiolab, 1996
2- Sean Cubitt, "Sound Aphorisms", Rhizome, 1996


S.P.

N.B. Les commentaires sur l'oeuvre de [the user] par Valérie Lamontagne et Sylvie Parent ont été publiés originairement sur leur site Web :
EMPLACEMENT.DÉPLACEMENT

 

Commentaires rédigés par Ned Bouhalassa, Rossitza Daskalova, Patrick Lafond, Valérie Lamontagne, Sylvie Parent, Cécile Petit, Bernard Schütze et Brad Todd

 

 



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