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Experimental Zoo, 2001 (BELGIQUE/FRANCE)


Le «zoo expérimental» de Frédéric Durieu présente sous des couleurs plaisantes un jeu interactif de «manipulation animale» qui est loin d'être aussi innocent qu'il en a l'air. Dans des décors «naturels», des animaux comme des giraffes, des pingouins, ou alors sur un fond blanc, des insectes comme des moustiques ou un scarabée, etc, se promènent, nagent ou volent à travers l'écran. Mais le visiteur découvre rapidement qu'au moyen de sa souris il peut transformer ces scènes bucoliques en un inquiétant safari : il peut en effet s'emparer de l'une des pauvres bêtes, comme par exemple d'une giraffe qui passe devant lui, et en jouer comme d'un ballon, la projetant en l'air, la traînant à travers l'écran, l'amenant en gros plan, la repoussant à l'arrière-plan de l'image, ou l'épinglant sur place tandis qu'elle agite désespérément les pattes, impuissante. Quant aux insectes, soit la souris, si elle les attrape, les tue comme le ferait un tue-mouche (et les moustiques ici sont aussi difficiles à exterminer que «pour de vrai»!), soit elle les fait exploser en morceaux (c'est le sort réservé au scarabée). Certes, comme le souligne Frédéric Durieu lui-même en décrivant sa démarche, «le but recherché est de produire l'émerveillement tel celui de l'enfant devant un nouveau jouet qu'il découvre. […] Ce n'est pas le réalisme et l'exactitude qui est recherché mais plutôt un côté décalé des choses qui pourrait s'apparenter [à] l'expression d'un univers en deux dimensions et demie». Il est vrai en effet que les décors naturels où évoluent les giraffes ou les pingouins, par exemple, ont justement l'air de cela, c'est-à-dire de décors : leurs couleurs trop vives, leur netteté trop accentuée leur confèrent une hyperréalité qui touche à la surréalité. On se retrouve au cirque. Et même, on bascule ici dans l'«inquiétante étrangeté (unheimliche)» dont parle Freud à propos du monde du rêve, où l'impossible devient tout à coup possible, où le monde réel se transforme à volonté - ou malgré nous -, où les souhaits sont exaucés, les lois naturelles transgressées.

Ces programmes sont mûs par des codes informatiques complexes et génératifs basés sur des lois physiques transcrites en algorithmes mathématiques. Pour arriver à ses fins, Frédéric Durieu recherche les effets de bord de la programmation, phénomènes étranges et inattendus, bien connus des programmeurs et très souvent indésirés pour les résultats non cohérents qu'ils peuvent induire. Dans le cas présent, ces effets de bord peuvent, au détour d'une ligne de code, produire de la poésie. Ce code est alors appelé «poésie algorithmique»1.

Certes, la transformation comme le détournement des lois physiques produisent des rêves et de la poésie, mais aussi, il ne faut pas oublier, des monstres, ou du moins des menaces. Ainsi, dans la manipulation de la nature et sa dégradation, - l'œuvre de Frédéric Durieu nous rappelle - oh très discrètement, comme un à-côté - que l'on joue avec le feu.


 

Anne-Marie Boisvert

 

NOTES :
1- Démarche de Frédéric Durieu.

 

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