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ANNE-MARIE BOISVERT : À l'entrée du site e-sm (Electronic Soul Mirroring), l'œuvre présentée à la Biennale de Montréal 2002, j'ai été intriguée par la description suivante: «100% NO FLaSH -- (PC + eXplorer 5+ ONLY)». S'agit-il pour vous d'un choix éthique ou esthétique?


Landscape, 5 July in Silicon Valley, 2002,
 huile sur toile, 50 x 55 pouces CARLO ZANNI : Une sorte de choix esthétique, je n'aime pas beaucoup les films en Flash. Je préfère l'instabilité visuelle d'une page en html plutôt que la fiabilité d'un .swf. Certains ont parfois soutenu que, comme le code à la source des films en Flash n'est pas ouvert à tous, ces films ne sont pas fidèles à la philosophie du net, qui est davantage fondée sur le partage et l'ouverture que le copyright. Mais c'est selon moi un point de vue vraiment limité. Je préfère retrouver sur le Web plusieurs approches différentes qu'un seul grand flux de données même ouvertes à tous. En conclusion, je n'ai rien contre Flash, c'est seulement un outil avec en plus un beau logo que je n'ai pu résister à peindre à l'huile sur une toile. Mais aussi Flash a un dossier : Flash est l'outil qui permet le plus facilement de cacher un manque d'idées grâce à des animations à la mode.

Un de mes amis utilise Flash pour exporter ses dessins vectoriels (voir www.rgbproject.com). Ce sont des images statiques, mais extrêmement fraîches et belles, sans lignes droites mais avec toutes les imperfections d'un dessin fait à la main (il utilise une tablette et un stylo graphique). De cette façon il peut les visualiser dans le format qu'il préfère. J'aime cette manière d'utiliser Flash. Je n'apprècie pas les menus hyper interactifs. Alors ma remarque ci-dessus était seulement une description superficielle et un tantinet provocatrice. D'habitude les gens dans leurs pages personnelles aiment faire l'étalage de toute leur maîtrise technique. Je dis seulement : si vous cherchez des petits liens qui clignotent… je suis désolé mais vous perdez votre temps.


AMB : Et quels sont vos outils (le matériel + le logiciel) de choix en tant qu'artiste Web?


Landscape, Self_Portrait_thumb, 2000,
 huile sur toile, 27 x 35 pouces CZ : J'aime utiliser html, perl, visual basic, les bases de données en ligne, et des concepts forts. J'utilise seulement mon ordinateur portatif, mais en fait les matériaux les plus importants que j'utilise sont mon cerveau, ainsi que beaucoup de patience et d'amour envers tous mes assistants. Je veux les remercier tous.


AMB : Pensez-vous que c'est important - en d'autres mots, pensez-vous que les outils constituent une grande partie du travail, à la fois au niveau de la conception et aussi au niveau du résultat?


Landscape, Self_Portrait.PHOTO, 2001,
 huile sur toile, 50 x 55 pouces CZ : Non, cela dépend de ce dont vous avez besoin. Ce n'est pas important d'utiliser Flash ou html, de partager les ondes Wi-Fi ou de faire de la peinture à l'huile. Le médium est neutre. La chose la plus importante est le résultat, le concept et comment le médium choisi convient à ce concept. Je pense que la période actuelle est pour le net.art ce que la fin de 90s a représenté pour «la nouvelle économie».

On a dit et répété : «CONSTRUISEZ-LE ET ILS VIENDRONT» : dans ce champ particulier de l'art cela semble à peu près pareil. Je pense que beaucoup de net.artistes courent après le médium au lieu de l'utiliser comme un morceau de papier ou un morceau de marbre (ou comme partie d'un concept).

Aussi, les gens aiment imaginer de nouvelles catégories artistiques en mettant à contribution les paradigmes techniques. On a vu la même chose se produire dans le passé avec la vidéo et la photographie. Maintenant on entend parler de la Génération Flash, du NetArt, comme du Fabuleux Prochain Mouvement Artistique.

Tout cela ne m'intéresse pas. Cette approche ressemble à celle des sondages (les pourcentages relatifs). Les mouvements artistiques et les programmes sont quelque chose qui date de 1900, pas de l'an 2000. Les mouvements artistiques sont les précurseurs des marques de commerce. Tout cela m'ennuie.

J'aimerais souligner le fait que la mise en réseau ou l'interactivité n'ajoutent aucune valeur à une pensée ou à une œuvre. Ce sont de simples outils, tout comme un pinceau et je peux les utiliser comme un pinceau si j'en ai besoin pour mon projet. En fin de compte, c'est mauvais de confondre ou d'identifier la qualité et l'importance d'une œuvre avec son contenu technique. Aussi: la technologie est un processus qui évolue constamment; l'art est le résultat d'un processus. Donc ils sont à l'opposé, et souvent ils s'attirent. Il n'y a pas de rapport d'aucune sorte entre le contenu technique et la qualité.


AMB : Pouvez-vous nous parler un peu de vos autres œuvres pour le Web?


WS_portraits series (Workstation/e-mail), 2001/02,
 Dec.20, '01 CZ : D'habitude je programme des portraits, je veux dire, tous mes projets sur le Web sont liés à ce sujet particulier (non seulement les portraits de personnes mais aussi de notre époque, de notre société). Je pense que la seule forme possible de portrait aujourd'hui est un projet Web où la personne n'est pas importante. L'important est l'identité mentale personnelle: le courriel; l'avatar; les icônes de DTP; ftp login; les surnoms, les émoticons etc., qui peuvent mieux décrire les «gens d'aujourd'hui» qu'une représentation de leur aspect physique. Je suis obsédé par l'idée d'enregistrer, de refléter les changements. Je veux et j'essaie d'être autant que possible contemporain. Mon travail quotidien est celui d'un employé. Je me réveille le matin et j'appuie sur ENREGISTRER. Il faut jouer le jeu. J'enregistre les résultats.


ICOn_portraits series (DESKTOP Icons),
 Mr. Linus Torvalds, Linux's inventor, 32x32icon, 2001 www. Newnewportrait.com est un site Web qui présente celles de mes œuvres Web qui sont des portraits. J'ai fait des portraits d'icônes - récemment montrés à la galerie Bitforms à New York et à Analix Forever à Genève - et des portraits de cookies. Les premiers sont davantage reliés à l'histoire traditionnelle du portrait de commande. En fait, je les fais seulement par commission, bien que j'ai fait certains d'entre eux par intérêt personnel (mes amis, des techniciens…) Ces portraits sont du même format 32 x 32 que les icônes pour bureau. Mes portraits d'icônes sont des sortes de liens. Vous pouvez cliquer sur eux pour relier votre page à vos adresses préférées sur le Web ou à des documents. Vous pouvez changer le lien comme vous pouvez changer d'idée. Votre visage est relié à une adresse sur le Web ou à une phrase ou à une image, comme dans la vie «réelle?» où, peut-être, votre visage est déjà relié à quelque chose du fait de votre présence publique (et êtes-vous libre de le changer?). Mais ces portraits sont aussi des icônes, des icônes pour bureau. Au cours de la dernière décade les objets sont devenus des éléments du paysage le plus connu du monde: le bureau.

Je ne vends rien de physique, comme on le fait d'habitude, je veux dire, je vends le fichier lui-même plutôt que sa visualisation. J'aime l'idée de laisser le choix de la visualisation à l'acheteur. Quand vous achetez le fichier, vous êtes libre de l'utiliser comme vous préférez. Par exemple, vous pouvez installer mes portraits d'icônes sur votre bureau, et les déplacer sur l'écran comme les autres icônes classiques. Mais vous pouvez les projeter aussi comme une image vidéo au-dessus de votre cheminée si vous le désirez, pour un effet similaire à celui des anciens portraits des vieilles familles riches: ces tableaux étaient des témoins d'une naissance. Mais vous pouvez également «visualiser» ces œuvres-fichiers de manière plus traditionnelle : en les imprimant sur une toile ou sur un papier de qualité, peu importe leur dimension. Ils demeureront des «objets physiques temporaires», sans signature et sans aucune valeur «traditionnelle».

ICOn_portraits series (DESKTOP Icons),
 Mark Tribe, Founder of Rhizome.org, 32x32icon, 2001 Les portraits de cookies sont des portraits numérotés que je vous envoie gratuitement chaque fois vous visitez l'adresse suivante : www.zanni.org/betaCOOKIES. Ces œuvres sont basées sur la même technologie des cookies (témoins) que les grands sites Web commerciaux comme amazon.com ont pris l'habitude d'utiliser pour se tenir au courant des choix faits par les utilisateurs sur leur sites (une pratique commerciale bien connue). Cette technologie permet de prendre une photographie et d'ainsi faire le portrait de l'environnement de travail de l'utilisateur et de lui envoyer un petit fichier .txt contenant toutes les données suivantes : information sur son système (les ports, le navigateur …); une explication du procédé et un numéro. Au moment où j'écris ceci, 586 utilisateurs ont déjà reçu leur portrait de cookie numéroté.

J'ai fait aussi thechurchofsoftware.org, dans le but de démontrer le rôle central et stratégique du logiciel dans notre culture. Ceci a permis entre autres choses de produire la conférence P2P$.


AMB : Cette conférence, intitulée P2P_$: Peer to Peer $elling Processes for net_things, a consisté en un clavardage qui a duré trois jours. Comment ce projet est venu au jour, et comment s'est-il déroulé?


CZ : J'ai été invité à donner une conférence, mais au lieu de parler moi-même j'ai choisi d'inviter quarante conférenciers à travers le monde, et de leur demander de donner leur opinion et de partager leur expérience de la vente d'objets sur le Web. J'ai bien aimé entre autres la proposition de John Klima : il vend ses œuvres avec le soutien d'un matériel informatique costumé, donc les données + le cpu. Au fond, c'est la même chose, comme je l'ai suggéré en mai 2002 quand j'ai fait paraître un message sur la liste de diffusion de Rhizome afin de suggérer une façon pratique pour vendre des œuvres d'art.net. Pour être honnête, je dois dire que je vois là maintenant une similitude avec certaines des théories formulées dans le passé par Olia Lialina, mais au moment où j'ai écrit ma proposition je n'en avais pas connaissance et en fin de compte ce n'est pas la même chose.

Landscape, Untitled dtp, 2001,
 acrylic and huile sur toile, 55 x 75 pouces Je l'ai appelé le protocole, et un grand nombre des membres de la communauté de Rhizome m'a attaqué parce qu'ils ont eu peur en voyant que je venais peut-être d'écrire les nouvelles tables de la loi, forçant tous les gens à les suivre. Mon protocole en trois points était seulement une simple proposition pour essayer de commencer à établir un rapport avec les galeries et avec le marché, sans privilégier aucune démarche mais seulement en étant actif au lieu de vivre seulement dans l'espérance de la prochaine subvention et en priant de ne pas perdre son deuxième emploi. Je pense que nous ne pouvons pas appuyer ou accélérer n'importe quel processus «culturel?», mais les artistes ont le devoir de s'interroger sur ces questions, et de faire des propositions et des expérimentations. Les artistes doivent penser au côté économique de leur travail parce que c'est une partie importante du processus. Ils sont en première ligne avec leur vie. Vous pouvez trouver le txt avec le protocole à cette adresse: www.zanni.org/church/The_Protocol_v1.

Ces trois jours sont apparus comme une grande aventure: trois jours, dix heures à clavarder tous les jours. Les journaux de bord de la conversation sont en ligne à l'adresse suivante : www.zanni.org/church/workshop/invitations, avec tous les participants et leur rôle «social». Je pense que la meilleure chose est de les lire; n'importe quel genre de résumé ne leur ferait pas justice.


AMB : Vous êtes né en Italie, et vous partagez maintenant votre temps entre Milan et New York. Comment les deux endroits se comparent-ils sur le plan de la création au point de vue de l'art Web?


CZ : New York vous dit: agitez les dés et lancez-les. Milan vous dit: prenez les dés et gardez-les.


AMB : Vous pouvez nous parler du milieu de l'art Web en Italie?


Landscape, Untitled folder, 2001,
 huile sur toile, 50 x 55 pouces CZ : Je trouve l'art dans les galeries et les musées; je ne suis pas intéressé à considérer comme de l'art le travail de gens qui construisent des œuvres sur le Web seulement pour s'amuser. Je suis intéressé à découvrir de nouveaux talents qui veulent rallier le champ de l'art avec tous ses beaux comme ses mauvais côtés. Je pense que les artistes Web ont besoin de galeries autant que les artistes normaux. Je sais que 99% de la communauté ne partage pas ce point de vue mais c'est mon opinion. Je n'ai vu aucun «artiste Web» dans une galerie en Italie mais je suppose qu'il existe un type de production d'art.net dans ce pays tout comme dans le reste du monde.


AMB : En plus des œuvres d'art Web, vous faites aussi de la peinture. Vous avez décrit une séries de vos tableaux comme «des tableaux pour bureau» (desktop paintings). Pouvez-vous nous parler du procédé mis en œuvre ici? Quels rapports votre travail en tant que peintre entretient-il avec votre travail sur le Web? Il semble y avoir une certaine relation, ne serait-ce qu'au niveau du choix des sujets de vos tableaux (les logos de logiciels, les portraits de programmeurs célèbres, etc)…


Landscape, Untitled_ShockWave, 2000,
 huile sur toile, 50 x 55 pouces CZ : J'essaie de mettre en commun des expériences entre les deux champs, de l'art Web au tableau et inversement. Je peux dire aussi que je peins le logiciel que j'utilise pour construire mes projets Web et que je peins ce que j'ai vu après avoir navigué sur Internet, c'est-à-dire l'Internet comme un lieu, et non comme un médium. Mes tableaux d'icônes et de logos de logiciel sont des éléments de notre paysage quotidien. Ils sont notre paysage quotidien. Ils sont des éléments du paysage le plus connu du monde. Beaucoup de gens passent leur temps devant l'écran, interagissant et passant des relations numériques aux relations humaines. Les icônes sur l'écran (menant à un document ou à un logiciel) sont la carte numérique de l'utilisateur et comme tels ils sont la trace d'un type de génôme social.


AMB : Que pouvez-vous nous dire de vos projets futurs?


CZ : Je participe ces jours-ci à un projet, avec Claude Closky comme commissaire, pour le magazine du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean du Luxembourg. Claude a demandé à Sara Tucker, directrice du département du Web au Dia Center de New York, de réalisé une entrevue avec des artistes et des conservateurs qui travaillent sur le Web.

Je développe aussi deux projets pour le Web : deux captures d'écran de notre temps. L'un s'appelle Softaid.biz (voir le premier jet à l'adresse suivante : www.zanni.org/church/softaid/softaid_diagram_betaV.GIF); et le second s'intitule BaliLasVegas (titre provisoire).

Enfin, je fais des tableaux pour Netizens, une exposition de groupe avec Valentina Tanni comme commissaire à la SalaUno à Rome, en collaboration avec MACRO (le musée d'art contemporain de Rome), pour décembre prochain. Toutes les informations à ce sujet se retrouveront bientôt sur mon site principal : www.zanni.org.


 

Ann-Marie Boisvert

 

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