L’ART ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
À MONTRÉAL. À L'OCCASION DE L'OUVERTURE
DE
TECHNOBORO

Les nouvelles technologies évoluent constamment et les artistes les incorporent dans leur pratique. En effet, nous voyons de plus en plus d’oeuvres réalisées à l’aide de ces nouvelles technologies et nous sommes amenés à nous demander où et comment elles ont été créées. Même si plusieurs opérations peuvent être effectuées sur un ordinateur personnel, d’autres restent impossibles et cela produit un écart entre les laboratoires universitaires et l’industrie. Pour cette raison, de nouvelles structures deviennent nécessaires afin de soutenir ce niveau de production artistique innovatrice et voir à sa diffusion. C’est ainsi que les organismes culturels intègrent graduellement l’art des nouvelles technologies dans leurs activités.

En réaction à la situation engendrée par l’évolution des nouveaux médias et le nombre grandissant d’artistes utilisant les nouvelles technologies, Oboro, un des centres d’artistes les plus importants au Canada a ouvert le laboratoire médiatique Technoboro en décembre 1997. Financé par le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts de la communauté urbaine de Montréal, le Ministère du patrimoine canadien, le Conseil des ressources humaines du Canada et le Service de la culture de la Ville de Montréal, Technoboro est né des initiatives des coordonnateurs Daniel Dion, Gisèle Trudel et Cheryl Sim. Les projets pouvant y être réalisés impliquent autant l’audio, la vidéo, l’Internet et le WWW, que les techonologies des télécommunications et de la téléphonie interactive. Dans l’atmosphère détendue de Technoboro, les artistes peuvent créer des projets Web, monter des vidéos et produire des CD-Roms, entre autres. Les coordonnateurs précisent que l’idée du laboratoire ne s’est pas imposée soudainement. Elle est le résultat de la demande réelle de la part d’un grand nombre de projets d’artistes pour de tels équipements dans le domaine des nouvelles technologies.

Technoboro ne dispose que de fonds limités pour le moment mais les plans et les efforts liés à l’expansion du laboratoire sont au premier rang. De six à huit projets sont acceptés par an. Un des aspects uniques du laboratoire est qu’il est ouvert au public à des tarifs avantageux. En plus d’un programme de résidences d’artistes, Technoboro offre des activités qui se concentrent sur les nouveaux médias telles que des conférences, ateliers, groupes de discussions se produisant aussi bien dans l’espace physique que dans l’espace virtuel. Les artistes dont la production est fondée sur les nouvelles technologies sont invités à présenter leur travail et à révéler les mystères de leur processus créateur. Technoboro fera bientôt partie du site Web d’Oboro qui annoncera régulièrement les activités du centre et surtout les projets réalisés au laboratoire. De plus, dans la section de Technoboro sur le site, une présentation des projets dans leur version Web aura lieu à l’occasion.

Mais qui y a-t-il d’autres mis à part le nouveau laboratoire Technoboro? En se spécialisant dans la production vidéo, Vidéographe et Prim, sont également équipés pour la production multimédia. À l’heure actuelle, Prim offre un cours gratuit dans la production des CD-Rom. Afin de fournir une structure pour la production et la diffusion de l’art multimédia, la Societé des Arts Technologiques travaille en étroite collaboration avec la succursale montréalaise d’ISEA (Inter Société des Arts Électroniques) élargissant ainsi son éventail d’activités sur le plan national et international. SAT possède une vaste collection de CD-Roms artistiques à édition limitée. Qui plus est, cette organisation est équipée d’un laboratoire médiatique qui accueille des artistes en résidence. Chaque année, trois projets sont sélectionnés par compétition et ce printemps cinq projets seront acceptés. Le programme est orienté vers des projets hybrides qui font l’utilisation de plusieurs médias, comme dans le projet Liquidation, qui combine la radio et l’Internet. Selon la directrice, Monique Savoie, une compétition existe entre le commerce et les arts sur l’Internet. Utilisé surtout pour l’échange d’information, le courrier et la publicité, l’Internet démontre qu’il peut aussi mener à d’autres objectifs dans le domaine de la communication et de l’expression artistique, notamment.

Une autre organisation qui concentre ses activités autour de l’utilisation des nouvelles technologies en art est Studio XX, un collectif de femmes qui vise à soutenir et à encourager les femmes dans leurs tentatives d’utiliser la technologie digitale. Les femmes, qu’elles soient artistes, universitaires, professionnelles ou étudiantes se regroupent afin de partager leur expérience des nouvelles technologies et souligner la présence des femmes dans ce domaine. Bien que le studio soit doté des équipements nécessaires, ce laboratoire n’est pas toujours disponible pour la production de projets d’artistes. Il est utilisé durant certaines activités, telles que les cours informatiques, les séminaires et les ateliers qui aident les femmes à pénétrer le monde de l’art et des technologies. Mis sur pied par la coordonnatrice, Catherine McGovern, l’événement le plus connu du Studio XX est Maid in Cyberspace, le premier festival international d’art conçu pour le Web par les femmes. Les projets sont d’ailleurs toujours accessibles sur le site Web du StudioXX. Des projets Web peuvent aussi être vus chez Technoboro, au site Web de la Societé des Arts Technologiques et à la Médiathèque du Musée d’art contemporain de Montréal, de même que sur le site Web du Centre international d’art contemporain de Montréal.

Des signes de changement se font sentir à La Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal, fondée en 1985 par Ginette Major et Hervé Fischer. Se concentrant sur l’art et les nouvelles technologies, Images du Futur, un événement international se tenant tous les étés depuis 1986, est maintenant remplacé par Cybermonde. En présentant des artistes qui travaillent avec les nouvelles technologies qui proviennent de partout dans le monde, l’événement reste le même dans son concept. Le changement du titre de l’événement coïncide avec les transformations rapides qui ont cours dans l’industrie. Comme le nouveau titre le suggère, nous vivons maintenant dans un monde qui était encore l’an dernier celui du futur. En 1995, La Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal a ouvert Le Café ElectroniqueTM, le premier du genre, qui avec ses 40 ordinateurs permet aux visiteurs d’explorer l’Internet ainsi qu’une vaste collection de CD-Roms. Les activités de La Cité des art et des nouvelles technologies de Montréal s’orientent vers le grand public et par dessus tout vers les enfants à qui des ateliers et des tours guidés sont offerts afin de les familiariser avec le potentiel des nouvelles technologies. Cybermonde offre une formation aux élèves des niveaux primaires et secondaires ainsi qu’à leurs professeurs.

Le milieu des arts et des nouvelles technologies s’élargit avec l’ouverture prochaine d’un méga-complexe dédié au cinéma et aux nouveaux médias. La 3 e Manifestation Internationale Vidéo et Art Électronique, Champ Libre, qui s’est tenue l’automne dernier aux Foufounes Electriques a ouvert une section multimédia pour la première fois, Salon média, qui contenait un programme de CD-Rom, de même qu’un programme Internet présentant des sites Web au contenu artistique. Selon François Cormier, le coordonnateur de l’événement, le Salon était au départ une expérience, mais il a été bien accueilli et s’est intégré naturellement au programme général. François Cormier a la certitude que le Salon fera dorénavant partie de la prochaine Manifestation. De plus, le Festival International de Cinéma et de la Vidéo de Montréal a été rebaptisé Le Festival International du Cinéma et des Nouveaux Médias. L’édition 1996 de l’événement incluait un espace distinct dédié aux nouveaux médias sur le boulevard Saint-Laurent (près du Cinéma Parallèle), le Media Lounge. Aucun signe de manque d’intérêt ne pouvait être distingué, bien au contraire, l’endroit était rempli de visiteurs curieux, surtout des jeunes. Les projets Web présentés lors de l’édition 1997 du Festival sont toujours accessibles sur le site.

Il semble bien que les organisations culturelles accordent une place de plus en plus importante aux nouveaux médias. Non seulement s’adaptent-elles à cette nouvelle réalité, mais elles l’accueillent, en y participant activement et en la construisant. Le milieu de l’art et des nouvelles technologies à Montréal offre un ensemble varié de possibilités aux artistes et au public et leur permet d’accéder aux nouveaux moyens d’expression et de communication. Ce milieu montre une base solide pour une évolution future. Dans ce contexte, l’ouverture de Technoboro ne constitue pas un événement isolé et des développements dans cette direction font partie d’un réel courant qui se dégage par une diversité d’initiatives qui se complètent les unes les autres. Les nouvelles technologies n’appartiennent pas à un groupe fermé d’enthousiastes, ne représentent ni un dieu ni un démon, elles sont devenues accessibles à tous et ont fourni des outils aux artistes qui peuvent enrichir le langage de l’art. Bien que les technologies en soi ne garantissent pas des miracles, de plus en plus d’artistes commencent à maîtriser leur utilisation. Lorsqu’elles sont exploitées comme des instruments, qu’elles deviennent ainsi invisibles, les artistes peuvent élargir leurs possibilités d’expression et les doter de valeurs humaines.

Rossitza Daskalova



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