Komar & Melamid, 1996

Du 16 octobre au 3 novembre 1996, dans le cadre de la 11e édition des Cent jours d’art contemporain de Montréal, le CIAC vous présente Komar et Melamid

 

The Most Wanted Paintings (Les Tableaux idéaux) et leurs corollaires,The Most Unwanted Paintings (Les Tableaux les plus détestés), font partie d’un projet de recherche mené par les artistes d’origine soviétique Vitali Komar et Alex Melamid. Le CIAC présente une sélection de ces tableaux produits au cours d’une recherche qui dure depuis plus de deux ans.

 

Ce projet est une interprétation de sondages d’opinion pratiqués auprès d’une population donnée. Dans le cas des tableaux idéaux et détestés, il s’agit pour Komar et Melamid de tenter de connaître les préférences esthétiques et les goûts des habitants de différents pays. En 1994, les artistes se questionnent sur les habitudes d’achat de tableaux par la population d’une banlieue new-yorkaise. Suite à une difficulté de compréhension du phénomène observé, Komar et Mélamid décident d’engager une maison de sondage afin de conduire à terme une recherche plus poussée et plus «objective», auprès de la population des États-Unis. Depuis, ils poursuivent le sondage sur les préférences et les goûts en peinture dans une quinzaine de pays et créent pour chacun le tableau idéal et le tableau le plus détesté…

 

Ce travail récent de Komar et Melamid pose deux questions importantes: à quoi ressemblerait une peinture qui plaît à tous et chacun? ou encore, quel type de culture une société régie par sondages d’opinion peut-elle produire? Les tableaux, qui sont le fruit de ces sondages, sont en quelque sorte, la réponse à ces questions. Ils peuvent être regardés comme étant «d’intérêt public», c’est-à-dire qu’ils ont été pensés par le peuple et pour le peuple. Il est facile de remarquer dans cette logique l’ironique allusion au système démocratique soviétique qui est caractéristique de ces artistes. Il faut également y voir une marque du populisme nord-américain. Mais ce projet de recherche déborde de la satire pour toucher aux questions de valeurs qui fondent la culture occidentale et les idéaux de nos sociétés modernes. La place de l’artiste est une de ces questions. Dans une entrevue, Melamid dresse un portrait de l’artiste actuel et fait remarquer qu’il ne fait plus partie, comme dans le passé, d’une «minorité qui sait». Selon lui, l’artiste aurait perdu la croyance dans ce savoir. Les artistes sont devenus une minorité sans croyance, sans pouvoir, sans foi. Il dit «Je me sens, en tant qu’artiste ou citoyen, complètement dépassé. Je ne sais plus pourquoi je suis la, ce que je fais, ce qui est bon dans ce que je fais, dans ce que les autres artistes font. […] C’est pourquoi nous avons voulu questionner les gens.»

 

Alex Melamid souligne aussi l’importance accordée aux nombres. «Dans un sens, c’est une idée assez traditionnelle. Les gens croient fondamentalement dans les nombres. Ça a commencé avec Platon et l’idée d’un monde régi par les nombres. […] Les nombres ne mentent pas et nous croyons en eux. Les nombres sont innocents. Ce sont des données vraies.» Winston Churchill disait le contraire. Pour lui, une statistique était un gros mensonge. Elle ne dit rien. «Mais comment savoir autrement» demande l’artiste. «Bien sûr, le meilleur moyen serait de faire la révolution. Je rêve d’organiser une bonne révolution, ici en Amérique. Mais c’est beaucoup plus difficile que d’amasser 40 000 $ pour faire un sondage.»

 

Dans un article paru en 1994 dans la revue The Nation, Melamid questionne autant le modernisme artistique et sa volonté de retourner à l’essentiel, que le principe qui veut que certaines œuvres possèdent une qualité que d’autres n’ont pas. Il rejette ces deux questions pour revenir sur ce qui rejoint et traverse les différentes positions, mouvements, critères esthétiques ainsi que le public et les artistes. C’est l’idée de la communication. L’art est communication.

 

«Il est actuellement peu porteur de sens et il faut le réviser. J’aime bien l’idée que l’art puisse irriter ou même enrager les gens. C’est parce qu’il les atteint. Il y a de la communication, il vaut mieux qu’elle soit négative que complètement absente.» Komar et Melamid affirment vouloir faire un art «véritablement populaire», un art qui soit pour le peuple, comme l’est actuellement la musique. Melamid explique ainsi l’orientation qu’ils adoptent. «Chekhov a dit, je ne peux pas juger, je ne peux que montrer. L’artiste, comme l’écrivain, ne peut faire qu’une chose, montrer et laisser les gens juger si c’est bon, mauvais, positif ou négatif. Je m’identifie complètement avec cette idée. Actuellement, nous sommes très limités. Si j’étais un aussi bon artiste que Staline l’a été, ce serait différent. Je pourrais juger. Mais comme je suis moins grand que lui, je ne peux que montrer.»

 

Vitali Komar (1943-) et Alex Melamid (1945-) sont nés à Moscou. Ils ont étudiés à l’École des beaux-arts de Moscou et à l’Institut Stroganov d’art et de design. Leurs collaborations débutent dès 1965. En 1967 ils fondent le mouvement SOTS (version soviétique du Pop Art). Leur première exposition hors de l’URSS est présentée à la galerie Ronald Feldman de New York en 1976. Depuis ils ont exposé à travers le monde. Ils résident actuellement aux États-Unis.

 

LISTES DES OEUVRES

America’s Most Wanted Painting (Le Tableau idéal des Américains)* – 40 x 60 cm

People’s Choice Pie Chart (Diagramme des choix populaires)* – 5 morceaux, 1,82 m x 30 cm

Aestheticians Most Unwanted Painting (Le Tableau le plus détesté des esthéticiens)* – 30 x 49 cm

America’s Most Unwanted Painting (Le Tableau le plus détesté des Américains)* – 14 x 22 cm

Aestheticians Most Wanted Painting (Le Tableau idéal des esthéticiens)* – 70 x 49 cm

 


 

* Traduction CIAC

(Ce texte accompagne l’exposition The Most Wanted Paintings/Les Tableaux idéaux, présentée du 16 octobre au 3 novembre, au CIAC-Centre international d’art contemporain de Montréal, dans le cadre des Cent jours d’art contemporain de Montréal, 1er septembre au 24 novembre 1996. Le texte est librement traduit et résumé à partir de l’original publié par le Dia Center for the Arts(New York). Nous remercions: The American Society for Aesthetics, la galerie Samuel Lallouz, ainsi que tous les associés du CIAC. Coordination: François Dion)