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e-sm (Electronic Soul Mirroring), 2000 (Italie/USA)


STATEMENT:
Aujourd'hui la seule forme possible de portrait est un projet Web, où la personne n'est pas importante. L'important est l'identité mentale personnelle : courriel; avatar; ftp login; les surnoms, les émoticons et ainsi de suite. Les sites Web peuvent devenir de merveilleux exemples de portraits. Vous êtes votre C: vous êtes votre disque dur. Cette idée est à la base d'une œuvre réalisée en l'an 2000 sur le www, intitulée www.e-sm.org. www.e-sm.org est un portrait contemporain parfait (pc + ie5+); c'est un miroir de l'âme moderne. Les yeux ne sont plus le miroir de l'âme d'une personne; désormais, ce rôle est dévolu à l'ordinateur ou au disque dur. (De nos jours, il est plus facile de connaître le courriel ou le surnom sur le Web d'une personne que son visage…). Pour toutes ces raisons : vous êtes votre Disque Dur. Vous êtes le résultat des découvertes des moteurs de recherche. Ceci est la mise à jour de: vous êtes votre c: Ou mieux, c'est l'équivalent du placard qui contient tous les vêtements et inévitablement aussi les squelettes, dispersées pendant la vie.
(Carlo Zanni)

Cette œuvre de Carlo Zanni est visuellement d'une rigoureuse simplicité. Le visiteur est invité à se contempler en cliquant sur un lien qui aussitôt lui fait apparaître sur son écran le contenu de son disque dur, c'est-à-dire de l'équivalent de son «âme» ou de son être intime pour le XXIe siècle.

Carlo Zanni avec son «moderne miroir de l'âme» nous convie ainsi à un nouveau stade du miroir pour l'âge informatique. Le stade du miroir correspond dans la théorie lacanienne à ce moment où l'enfant se reconnaît tel qu'en lui-même pour la première fois dans le miroir, rit à son image, et se dit, ou se fait dire : «Tu es cela» (cf. Roland Barthes par Roland Barthes).

Il suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l'analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet quand il assume une image […] L'assomption jubilatoire de son image spéculaire par l'être encore plongé dans l'impuissance motrice et la dépendance du nourrissage qu'est le petit homme à ce stade infans, nous paraîtra dès lors manifester en une situation exemplaire la matrice symbolique où le je se précipite en une forme primordiale, avant qu'il ne s'objective dans la dialectique de l'identification à l'autre et que le langage ne lui restitue dans l'universel sa fonction de sujet.
(Jacques Lacan,
«Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je»,
in Écrits I, p :90).

Ainsi le sujet, s'étant déjà reconnu une première fois comme tel dans la contemplation de l'image de son être physique dans le miroir, devra-t-il en se contemplant dans le miroir que lui tend Carlo Zanni se reconnaître une deuxième fois dans l'image de son être virtuel. Là aussi son image à la fois lui ressemble et pourtant lui échappe. «Cela», «C :», c'est moi et pas moi, ni plus ni moins que mon corps, intime et pourtant lui aussi vivant d'une réalité objective qui me le fait trop souvent étranger à moi-même. C'est que mon corps comme l'ensemble des fichiers organisés dans mon disque dur me présente une image unifiée, et partant idéale, de moi-même, de ce moi qui au secret de soi - dans le fond de mon âme - se sent le plus souvent au contraire multiple et morcelé. Mais finalement, c'est bien la fonction du portrait, de chercher à recoller, au moins le temps de la formation d'une image plus ou moins prégnante, les morceaux épars de mon être.


 

Anne-Marie Boisvert

 

N.B. Lisez l'entrevue avec Carlo Zanni dans ce numéro.

 

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