œuvre 4


IN Network,
de Michael MANDIBERG et Julia STEINMETZ (États-Unis), 2005



IN Network est le fruit des aléas et tribulations d'une relation amoureuse. Il m'a fallu quitter Los Angeles pour New York pour des raisons de travail ; Julia quant à elle a dû demeurer à Los Angeles pendant neuf mois, également pour son travail. Pour pallier à cette séparation nous avons décidé de faire une chose éminemment pratique : nous nous sommes procurés des téléphones portables chez le même fournisseur dans le but d'obtenir des minutes IN Network gratuites.

Comme nous nous sommes mis à parler de plus en plus longtemps - sans s'inquiéter de manquer de minutes - notre utilisation de la technologie a changé. Nous avions non seulement des conversations au téléphone, mais nous passions notre temps ensemble au téléphone. Nous passions des heures sur notre portable, au travail, à la maison, au magasin, dans la voiture, et nous allions même jusqu'à tomber endormis au téléphone. Nous jouissions ainsi d'une téléprésence fluide qui nous permettait d'éprouver (d'une certaine manière) la même chose que ce que l'autre personne éprouvait.

Après trois ou quatre mois nous avons décidé de rendre publique cette performance privée. Du 1er au 31 mars 2005, un moblog sur le site de http://www.turbulence.org/Works/innetwork a accueilli un podcast de nos conversations; nous nous sommes mis alors à transmettre tous nos messages textuels et visuels par le truchement de ce moblog. À plusieurs reprises au cours de cette période, nous avons également diffusé le son sur le Web pendant que nous dormions au téléphone.

En même temps que je me retrouvais dans deux endroits à la fois, d'une certaine manière je n'étais nulle part. J'aime à dire que j'ai vécu pendant cette période dans le fuseau horaire des montagnes - le même que celui du Colorado et des montagnes Rocheuses, deux heures plus tard que New York, mais une heure plus tôt que Los Angeles. Je restais éveillé pour passer du temps au téléphone avec Julia tard dans la nuit (bien qu'elle ait l'habitude de demeurer debout toujours plus tard que moi). Je m'éveillais à 11 AM bien après tout le monde à New York, mais avant de pouvoir appeler quiconque à Los Angeles. J'étais seulement (télé)présent à Los Angeles grâce à un portable, mais c'était assez pour m'empêcher d'être vraiment présent ici à New York. Maintenant, quelques mois après l'arrivée de Julia, je sens que je commence réellement à vivre ici.

Ce projet témoigne de mon intérêt pour la téléprésence et pour son omniprésence : pour le rôle du portable, de la transmission de messages instantanée, etc., et comment ces formes normalisées de téléprésence changent la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres, en changeant la construction de la réalité que nous partageons, et le rapport que nous entretenons avec elle.




Michael Mandiberg
(Traduit de l'anglais par Anne-Marie Boisvert)

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